La Guerre Des Amoureuses
avait le cœur qui battait le tambour. Aller
à la Cour… Peut-être rencontrer Mornay…
— Et si M. de Mornay vient avec
Navarre, pourquoi n’y aurait-il pas Cassandre ? suggéra Nicolas en
souriant.
— Tu crois ?
— Non, je te taquine. Si M. de Mornay
est avec les capitaines et les conseillers du Béarnais, il n’emmènera jamais sa
fille, ce serait trop dangereux.
— Mais on dit qu’il y aura une trêve !
s’exclama Olivier, plein d’espoir.
— Ne te fais pas d’idées, je suis certain
qu’il ne l’amènera pas !
Nicolas regrettait maintenant d’avoir évoqué
Cassandre.
— Je vais tout de même avec toi ! décida
Olivier.
Un an plus tôt, M. de Mornay lui
avait proposé une charge de secrétaire. Il était prêt maintenant à l’accepter
et à repartir avec le père de Cassandre.
— Tu es plus qu’un ami pour moi, Nicolas,
poursuivit-il. Tu es un frère…
Nicolas, ne se doutant nullement du dessein d’Olivier,
lui frappa sur l’épaule.
— Va pour un frère ! Je te laisse, car
mon épouse m’attend. Passe chez moi demain matin, je dois aller voir des
comédiens, les Gelosi, qui feront le voyage avec nous. Le trésorier de la reine
m’a remis un contrat pour eux. Tu m’accompagneras et tu commenceras ainsi ton
travail. Au fait, je ne t’ai pas parlé de tes gages et de ceux de Le Bègue, s’il
vient avec nous…
— Mais je ne veux rien ! s’offusqua
Olivier.
— Ma bourse est à toi, mais ce n’est pas
une mission qui nous enrichira. Je recevrai cent livres par mois. C’est peu et
il nous faudra vivre avec à trois, mais la reine paiera notre lit et nous
serons nourris [53] et chauffés. On m’a aussi promis deux cents écus pour m’équiper, mais
j’en laisserai la moitié à ma femme. Le reste couvrira largement l’achat de
deux chevaux – je prendrai le mien –, d’une charrette et de quelques habits de
Cour que nous achèterons chez un fripier.
— On peut prendre mon bardot… proposa
Olivier.
— Non, je préfère deux chevaux, nous
pourrons en avoir besoin. C’est toi qui géreras les dépenses. Parle de tout
cela à Le Bègue. À demain.
Après le départ de Nicolas, Olivier resta à
méditer, le cœur enflammé à l’idée qu’il allait se rapprocher de Cassandre. Et
cela grâce à son ami Nicolas. Il se souvint alors de cette phrase qu’il avait lue
dans le livre de M. de Montaigne :
Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais,
je sens que cela ne se peut exprimer qu’en répondant : parce que c’était
lui, parce que c’était moi.
9.
Quand la duchesse de Montpensier était venue
chez Catherine de Médicis pour lui annoncer que son frère acceptait l’idée d’une
suspension provisoire des opérations militaires, elle lui avait soumis trois
requêtes, laissant clairement entendre qu’il s’agissait de la contrepartie de
la trêve souhaitée. La première concernait Nicolas Poulain, un lieutenant du
prévôt d’Île-de-France que le duc de Guise voulait récompenser. Son frère Henri
suggérait que la reine lui offre un brevet de prévôt de l’hôtel durant le
voyage de sa cour à Chenonceaux.
Catherine de Médicis comprit parfaitement que
cet homme serait un espion de Guise dans sa maison, mais elle accepta, certaine
que ce Poulain ne pourrait lui causer aucun tort. La deuxième requête de la
duchesse était qu’elle participe à ce voyage, mais comme la reine mère avait
déjà envisagé de le lui proposer, il n’y eut pas débat.
Quant à la troisième, elle concernait Ruggieri.
Catherine de Lorraine souhaitait le rencontrer, et seule Catherine de Médicis
pouvait convaincre le mage de la recevoir, car il ne recevait personne. Il
vivait dans l’appartement le plus haut du palais d’où il ne sortait qu’exceptionnellement.
La reine accepta aussi cette troisième demande tant elle était intriguée, et
elle conduisit elle-même la duchesse dans la colonne astrale qui faisait
communiquer son cabinet à l’appartement de Ruggieri.
L’astrologue occupait trois pièces sous le
toit et n’avait que peu de domestiques. La dernière porte de la colonne ouvrait
directement dans son cabinet de travail pour que la reine puisse y entrer à
toute heure sans être annoncée. Les deux femmes découvrirent donc le mage
debout, lunettes sur les yeux, plongé dans un gros grimoire posé sur un lutrin.
— Maître Ruggieri, dit la reine en s’avançant
vers lui, je vous amène une visite.
Il
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