La Guerre Des Amoureuses
commençais à douter de le revoir. Il est enfin arrivé ce soir. Il avait été
capturé par une bande de huguenots qui ont voulu le pendre, mais il est parvenu
à les convaincre qu’il pouvait leur payer une rançon. Charles a fait porter la
somme et ils l’ont libéré.
» Cabasset m’a remis une lettre de mon
frère qui m’explique les raisons pour lesquelles il a fait appel à vous, je
comprends désormais les rôles respectifs de Hauteville, de Poulain et de la
Limeuil… Nous en reparlerons…
Dans une lettre chiffrée, le duc de Mayenne
avait en effet raconté ce qu’il savait de la fraude sur les tailles conduite
par le receveur Salvancy au profit de la Ligue et de leur frère Guise. Il y
affirmait que l’argent détourné avait été repris par Hauteville qui l’avait
donné à M. de Mornay, sans doute avec la complicité du banquier
Sardini. Tout cela, bien sûr, la duchesse ne voulait pas le dévoiler devant les
deux spadassins italiens.
— Mon frère rentrera à Paris quand il
aura pris quelques dernières maisons fortes. Il m’a suggéré d’enlever Cassandre
de Mornay. Avec elle en otage, il serait possible de gouverner son père et, ainsi,
de piéger facilement le roi de Navarre.
— Tout cela me paraît bien hypothétique, grimaça
Maurevert. Cette fille habite à Montauban, l’une des villes huguenotes les
mieux fortifiées de France. Nous allons l’attaquer avec M. Cabasset et le
maestro ?
— Ce sera plus facile que vous ne le
pensez. Hauteville a dans sa malle de voyage des lettres de Cassandre de Mornay.
Cabasset, qui les a lues, va en voler une. Il prendra aussi quelques papiers
écrits par Hauteville. Nous rejoindrons mon frère qui fera écrire par son
secrétaire, un homme qui imite toutes les écritures, une fausse lettre de
Hauteville suppliant Cassandre de suivre celui qui la portera.
— Vous croyez qu’elle se laissera prendre
à un piège aussi grossier ? demanda Maurevert avec une moue de scepticisme.
— Oui, le porteur de la missive sera un
de mes gentilshommes qui lui dira qu’Olivier l’attend à la sortie de Montauban.
Pour preuve de sa bonne foi, il remettra à mademoiselle de Mornay l’une de ses
lettres subtilisées par le capitaine Cabasset. J’y ai bien réfléchi. Ce plan ne
peut échouer.
— Peut-être… fit Maurevert en dodelinant
de la tête. Mais nous ne sommes pas très nombreux pour aller jusqu’à Montauban,
et que ferons-nous ensuite ?
— Je demanderai cinquante hommes d’armes
à mon frère. Avec notre otage, nous irons à Saint-Maixent. C’est sans doute là
que Navarre rencontrera la reine. Entre-temps j’aurai fait parvenir un courrier
à Mornay lui ordonnant de suivre mes instructions s’il veut revoir sa fille.
— Il refusera ! assura Maurevert d’un
mouvement d’épaules.
Maurevert avait raison et la duchesse le
savait. Il paraissait difficile de croire que Mornay sacrifie sa foi en Navarre
pour sa fille, bien que ce ne soit pas totalement impossible. Mais Cassandre n’était
pas qu’une otage pour la sœur du duc de Guise, elle était aussi un obstacle
dont la duchesse voulait se débarrasser pour gagner le cœur d’Olivier
Hauteville.
— S’il refuse, vous la tuerez, laissa-t-elle
tomber.
— Soit ! soupira Maurevert. Mais
avez-vous pensé que Navarre pourrait rencontrer la reine pendant que nous
sommes sur les routes ?
— J’en ai parlé à M. de Nevers
et au maréchal de Retz. À l’allure où avancent les négociations, c’est peu probable.
La reine attend un accord de Navarre pour aller jusqu’à Saint-Maixent. Sa
réponse n’arrivera pas avant une semaine ou deux, ce qui repoussera sa venue à
la Cour à au moins un mois. Nous serons de retour avec l’otage.
— Quand partons-nous ? s’enquit Maurevert,
finalement pas mécontent de quitter la ferme où il se morfondait.
— Dès que Cabasset aura pris les lettres
dans les bagages de Hauteville.
Le lendemain, les
Gelosi ne jouaient pas mais préparaient leur prochain spectacle. On leur
prêtait pour cela une grange abandonnée, non loin du village. Pour répéter, certains
s’étaient vêtus de leurs habits de scène et avaient laissé leurs manteaux
accrochés à une cloison. Isabella parvint à fouiller ceux des comédiens qui
partageaient la chambre de Ludovic. Dans la poche de l’un d’entre eux, elle
trouva la clef de la chambre. Pendant que Ludovic jouait, elle fouilla aussi
son manteau, mais il n’y avait pas
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