La Guerre Des Amoureuses
s’était tellement
rapprochée qu’elles se trouvaient face à elle.
— Je suis vivante, Isabella ! Touche
mes mains, insista-t-elle.
Elle obéit. En sentant cette douce chaleur, Isabella
se calma d’un coup et un mélange de surprise et de joie se peignit sur ses
traits.
— Est-ce possible ? Comment es-tu
venue jusqu’ici, Gabriella ?
— Accompagnée d’un gentilhomme du duc de
Mantoue. Il faut que je te parle, Isabella, mais à toi seule.
— Entrons !
La comédienne sortit une clef de sa robe et
ouvrit la porte.
La chambre était froide et humide. Isabella
entraîna son amie vers le lit où elle la fit asseoir :
— Raconte-moi tout !
— Quand j’ai repris conscience, on m’a
dit ce qui s’était passé. Je ne me souvenais de rien. Je souffrais affreusement.
On m’a annoncé que les Gelosi étaient partis, puis que tu t’étais évadée. Le
duc m’avait installée dans une chambre du castello di San Giorgio et
venait me voir chaque jour. C’est un homme sévère, et intransigeant, mais
soucieux de la vérité. Le vice-podestat Beltramino Crema est venu aussi me
montrer le couteau, tu sais celui à la lame qui disparaît. Quelqu’un avait
ouvert le manche et placé un morceau de bois en sorte que la lame ne pouvait
plus entrer dans le manche. Quand tu m’as frappée, c’était un vrai coup de
couteau !
— Qui a pu faire ça ? balbutia
Isabella, épouvantée.
— Un Gelosi, forcément ! C’est pour
ça que je voulais te parler seule. Tu es la seule qu’on ne peut suspecter !
— Ni Flavio ni mon mari… Ni même les
autres… Pourquoi quelqu’un aurait-il fait ça ? Tu es certaine ?
— Oui, j’ai vu la lame démontée ! Ce
ne peut être qu’un Gelosi !
Isabella resta muette, incapable d’imaginer un
de ses compagnons comme un assassin. Pourquoi l’un d’eux l’aurait-il fait
passer pour une criminelle ? Elle frissonna en se souvenant de l’abominable
torture qu’elle avait subie. Qui avait pu souhaiter qu’elle soit traitée ainsi ?
— Tout est étrange dans cette histoire, Isabella.
Le vice-podestat m’a raconté ton évasion. Les Gelosi avaient déjà quitté la
ville…
— Je sais. C’est Ludovic… C’est lui qui m’a
sauvée !
— Sauvée ? Attends au moins que je
te raconte ce qui s’est passé. Le vice-podestat a interrogé le concierge de la Torre communale. Mis à la question, il a reconnu avoir été payé et a donné
un nom : celui d’un changeur du quartier juif. Celui-là a aussi été
interrogé mais a tout nié. Il n’était pas possible de le torturer, car il prête
à trop de monde et il a des amis puissants. Mais il a une certaine réputation :
il serait un agent de la banque Carnesecchi, à Florence, un fidèle de Catherine
de Médicis.
— C’est Catherine de Médicis qui nous a
fait venir en France, murmura Isabella.
— Je sais, j’étais avec vous en Espagne
quand Flavio a reçu l’invitation et l’a refusée. Le vice-podestat a retrouvé
nos compagnons qui n’ont pas voulu partir en France avec vous. Ce sont eux qui
lui ont dit que vous seriez les bienvenus à la cour de France. Ludovic s’y
était engagé. Ludovic qui venait d’entrer dans la troupe. Ce même Ludovic qui t’a
fait évader.
— Tu veux dire…
— C’est lui qui a modifié le couteau !
J’en suis persuadée, et le vice-podestat aussi. Tu sais, Crema est un policier
d’une grande probité. Il se reprochait tant de t’avoir soumise à la torture.
— Il aurait pu ne pas le faire ! grinça
Isabella.
— Lui et monseigneur Guglielmo Gonzaga
ont regretté sincèrement, Isabella. Tu dois leur pardonner. Le duc a fait
enregistrer une lettre de grâce que je t’ai portée. Rentre en Italie. Il t’attend
à Mantoue et te remettra une indemnité de mille florins.
— Mille !
— Oui ! Comme je voulais te dire que
j’étais vivante et te mettre en garde contre Ludovic, il m’a confiée à un
gentilhomme de sa maison, le seigneur di Castello, qui m’a accompagnée à Paris
avec d’autres voyageurs, car je n’aurais pu venir seule.
— J’ai pensé à toi chaque jour et chaque
nuit, Gabriella. J’ai prié et fait dire des messes. Je ne pouvais supporter d’être
une criminelle…
— Tu ne l’étais pas, Isabella ! dit
son amie en l’embrassant. À Paris, j’ai appris que les Gelosi étaient partis
avec la reine pour Orléans et Chenonceaux, pour-suivit-elle. Je vous ai suivis
et depuis quelques
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