La Guerre Du Feu
mammouths était devenue parfaite. Chaque matin, sa force était plus sûre. Son crâne ne bourdonnait plus ; la blessure de son épaule, peu profonde, se fermait avec rapidité, toute fièvre avait cessé. Gaw aussi guérissait. Souvent les trois Oulhamr, montés sur un tertre, défiaient les adversaires.
Naoh criait :
– Pourquoi rôdez-vous autour des mammouths et des Oulhamr ? Vous êtes devant les mammouths comme des chacals devant le grand ours. Ni la massue ni la hache d’aucun Kzamm ne peuvent résister à la massue et à la hache de Naoh ! Si vous ne partez pas vers vos terres de chasse, nous vous dresserons des pièges et nous vous tuerons.
Nam et Gaw poussaient leur cri de guerre en brandissant leurs sagaies ; mais les Kzamms rôdaient dans la brousse, parmi les roseaux, sur la savane, ou sous les érables, les sycomores, les frênes et les peupliers. On apercevait brusquement un torse velu, une tête aux grands cheveux ; ou bien des silhouettes confuses se glissaient dans les pénombres. Et, quoiqu’ils fussent sans crainte, les Oulhamr détestaient cette présence mauvaise. Elle les empêchait de s’éloigner pour reconnaître le pays ; elle menaçait l’avenir, car il faudrait bientôt quitter les mammouths pour retourner vers le nord.
Le fils du Léopard songeait aux moyens d’éloigner l’ennemi de sa piste.
Il continuait à rendre hommage au chef des mammouths. Trois fois par jour, il rassemblait pour lui des nourritures tendres, et il passait de grands moments, assis auprès de lui, à tenter de comprendre son langage et de lui faire entendre le sien. Le mammouth écoutait volontiers la parole humaine, il secouait la tête et semblait pensif ; quelquefois une lueur singulière étincelait dans son œil brun ou bien il plissait la paupière comme s’il riait. Alors, Naoh songeait :
« Le grand mammouth comprend Naoh, mais Naoh ne le comprend pas encore. »
Cependant, ils échangeaient des gestes dont le sens n’était pas douteux, et qui se rapportaient à la nourriture. Quand le Nomade criait : « Voici ! » le mammouth approchait tout de suite, même si Naoh était caché : car il savait qu’il y avait des racines, des tiges fraîches ou des fruits.
Peu à peu, ils apprirent à s’appeler, même sans motif. Le mammouth poussait un barrit adouci ; Naoh articulait une ou deux syllabes. Ils étaient contents d’être à côté l’un de l’autre. L’homme s’asseyait sur la terre ; le mammouth rôdait autour de lui, et quelquefois, par jeu, il le soulevait dans sa trompe enroulée, délicatement.
Pour arriver à son but, Naoh avait ordonné à ses guerriers de rendre hommage à deux autres mammouths, qui étaient chefs après le colosse. Comme ils étaient maintenant familiers avec les Nomades, ils avaient donné l’affection qui leur était demandée. Ensuite, Naoh avait appris aux jeunes hommes comment il fallait habituer les géants à leur voix, si bien que, le cinquième jour, les mammouths accouraient au cri de Nam et de Gaw.
Les Oulhamr eurent un grand bonheur. Un soir, avant la fin du crépuscule, Naoh, ayant accumulé des branches et des herbes sèches, osa y mettre le Feu. L’air était frais, assez sec, la brise très lente. Et la flamme avait crû, d’abord noire de fumée, puis pure, grondante et couleur d’aurore.
De toutes parts, les mammouths accoururent. On voyait leurs grosses têtes s’avancer et leurs yeux luire d’inquiétude. Les nerveux barrissaient. Car ils connaissaient le Feu ! Ils l’avaient rencontré sur la savane et dans la forêt, quand la foudre s’était abattue ; il les avait poursuivis, avec des craquements épouvantables ; son haleine leur cuisait la chair, ses dents perçaient leur peau invulnérable ; les vieux se souvenaient de compagnons saisis par cette chose terrible et qui n’étaient plus revenus. Aussi considéraient-ils avec crainte et menace cette flamme autour de laquelle se tenaient les petites bêtes verticales.
Naoh, sentant leur déplaisir, se rendit auprès du grand mammouth et lui dit :
– Le Feu des Oulhamr ne peut pas fuir ; il ne peut pas croître à travers les plantes ; il ne peut pas se jeter sur les mammouths. Naoh l’a emprisonné dans un sol où il ne trouverait aucune nourriture.
Le colosse, emmené à dix pas de la flamme, la contemplait, et, plus curieux que ses semblables, pénétré aussi d’une confiance obscure en voyant ses faibles amis si tranquilles, il se
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