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La Guerre Du Feu

La Guerre Du Feu

Titel: La Guerre Du Feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: J.H. Rosny aîné
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allait se perpétuer à travers les générations innombrables.

    Pendant dix jours, les mammouths descendirent vers les terres basses, en longeant la rive du fleuve. Leur vie était belle. Parfaitement adaptés à leurs pâturages, la force emplissait leurs flancs lourds ; une nourriture abondante s’offrait à tous les détours du fleuve, dans les limons palustres, sur l’humus des plaines, parmi les vieilles futaies vénérables.
    Aucune bête ne troublait leur voie. Souverains de l’étendue, maîtres de leurs exodes et de leurs repos, les ancêtres avaient assuré leur victoire, parfait leur instinct, assoupli leurs coutumes sociales, réglé leur marche, leur tactique, leur campement et leur hiérarchie, pourvu à la défense des faibles et à l’entente des puissants. La structure de leur cerveau était délicate, leurs sens pleins de subtilité : ils avaient une vision précise, et non la prunelle vague des chevaux ou des urus, l’odorat fin, le tact sûr, l’ouïe vive.
    Énormes mais flexibles, pesants mais agiles, ils exploraient les eaux et la terre, palpaient les obstacles, flairaient, cueillaient, déracinaient, pétrissaient, avec cette trompe aux fines nervures qui s’enroulait comme un serpent, étreignait comme un ours, travaillait comme une main d’homme. Leurs défenses fouissaient le sol ; d’un coup de leurs pieds circulaires, ils écrasaient le lion.
    Rien ne limitait la victoire de leur race. Le temps leur appartenait comme l’étendue. Qui aurait pu troubler leur repos ? Qui les empêcherait de se perpétuer par des générations aussi nombreuses que celles dont ils étaient la descendance ?
    Ainsi rêvait Naoh, tandis qu’il accompagnait le peuple des colosses. Il écoutait avec bonheur la terre craquer à leur marche, il considérait orgueilleusement leurs longues files pacifiques, échelonnées devant le fleuve ou sous les ramures d’automne ; toutes les bêtes s’écartaient à leur approche et les oiseaux, pour les voir, descendaient du ciel ou s’élevaient parmi les roseaux. Ce furent des jours si doux de sécurité et d’abondance que, sans le souvenir de Gammla, Naoh n’en aurait pas désiré la fin. Car, maintenant qu’il connaissait les mammouths, il les trouvait moins durs, moins incertains, plus équitables que les hommes. Leur chef n’était pas, tel Faouhm, redoutable à ses amis mêmes : il conduisait le troupeau sans menaces et sans perfidie. Il n’y avait pas un mammouth qui eût l’humeur féroce d’Aghoo et de ses frères...

    Dès l’aube, lorsque le fleuve grisonnait devant l’orient, les mammouths se levaient sur la terre humide. Le Feu craquait, gorgé de pin ou de sycomore, de peuplier ou de tilleul, et dans la profondeur sylvestre, sur la rive brumeuse, les bêtes savaient que la vie du monde avait reparu.
    Elle s’élargissait dans les nuées, elle y inscrivait le symbole de tout ce qu’elle faisait jaillir du néant des ténèbres, où, sans elle, les porphyres, les quartz, les gneiss, les micas, les minerais, les gemmes, les marbres dormiraient, incolores et glacials, de tout ce qu’elle créait de formes et de couleurs en brassant la mer tumultueuse et en la volatilisant dans l’espace, en s’unissant à l’eau pour tisser les plantes et pour pétrir la chair des bêtes.
    Quand elle emplissait le ciel lourd d’automne, les mammouths barrissaient en levant leurs trompes et goûtaient cette jeunesse qui est dans le matin et qui fait oublier le soir. Ils se poursuivaient aux sinuosités des havres et jusqu’à la pointe des promontoires ; ils s’assemblaient en groupes, émus du plaisir simple et profond de se sentir les mêmes structures, les mêmes instincts, les mêmes gestes. Puis, sans hâte et sans peine, ils déterraient les racines, arrachaient les tiges fraîches, paissaient l’herbe, croquaient les châtaignes et les glands, dégustaient le mousseron, le bolet, la morille, la chanterelle et la truffe. Ils aimaient descendre tous ensemble à l’abreuvoir. Alors, leur peuple paraissait plus nombreux, leur masse plus impressionnante.
    Naoh gravissait quelque tertre ou escaladait une roche pour les voir rouler vers la rive.
    Leurs dos se succédaient comme les vagues d’une crue, leurs pieds larges trouaient l’argile, leurs oreilles semblaient des chauves-souris géantes, toujours prêtes à s’envoler ; ils agitaient leurs trompes ainsi que des troncs de cytises couverts d’une mousse boueuse, et les défenses,

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