La Guerre Du Feu
palétuviers, on vit surgir une trentaine d’hommes et de femmes, aux têtes longues, aux torses ronds et singulièrement étroits, pendant que, de trois côtés, se décelaient des Nains Rouges. Un combat avait commencé.
Cernés, les Hommes-sans-épaules lançaient des sagaies, non pas directement, mais à l’aide d’un objet que les Oulhamr n’avaient jamais vu et dont ils n’avaient aucune idée. C’était une baguette épaisse, de bois ou de corne, terminée par un crochet ; et ce propulseur donnait aux sagaies une portée beaucoup plus grande que lorsqu’on les jetait à la main.
Dans ce premier moment, les Nains Rouges eurent le dessous : plusieurs gisaient sur le sol. Mais des secours arrivaient sans cesse. Les visages triangulaires surgissaient de toutes parts, même de l’abri opposé à Naoh et ses compagnons. Une fureur frénétique les agitait. Ils couraient droit à la mêlée, avec de longs hurlements ; toute la prudence qu’ils avaient montrée devant les Oulhamr avait disparu, peut-être parce que les Hommes-sans-épaules leur étaient connus et qu’ils ne craignaient pas le corps à corps, peut-être aussi parce qu’une haine ancienne les surexcitait.
Naoh laissa se dégarnir les retranchements de l’ennemi. Sa résolution était prise depuis le commencement du combat. Il n’avait pas eu à y songer. Le tréfonds de son être le poussait et la rancune, le dégoût d’une longue inaction, l’impression surtout que le triomphe des Nains Rouges serait sa propre perte.
Il n’eut qu’une seule hésitation : fallait-il abandonner le Feu ? Les cages entraveraient le combat ; elles seraient sans doute rompues. D’ailleurs, après la victoire, les feux ne manqueraient point, et la mort suivrait la défaite.
Quand il crut le moment favorable, Naoh donna des ordres brusques et, à toute vitesse, hurlant le cri de guerre, les Oulhamr jaillirent de leur refuge. Quelques sagaies les effleurèrent ; déjà ils franchissaient l’abri des antagonistes. Ce fut rapide et farouche. Il y avait là une douzaine de combattants, serrés les uns contre les autres, dardant leurs épieux. Naoh lança sa sagaie et son harpon, puis bondit en faisant tournoyer la massue. Trois Nains Rouges succombaient à l’instant où Nam et Gaw entraient dans la mêlée. Mais les épieux se détendaient avec vitesse : chacun des Oulhamr reçut une blessure, légère pourtant, car les coups étaient faiblement portés, et de trop loin. Les trois massues ripostèrent ensemble ; et, voyant tomber de nouveaux guerriers, voyant aussi surgir l’homme sauvé par Naoh, les Nains valides s’enfuirent. Naoh en abattit deux encore, les autres réussirent à se glisser parmi les roseaux. Il ne s’attarda pas à les découvrir, impatient de joindre les Hommes-sans-épaules.
Parmi les saules, le corps à corps avait commencé. Seuls quelques guerriers armés du propulseur avaient pu se réfugier dans une mare, d’où ils inquiétaient les Nains Rouges. Mais ceux-ci avaient l’avantage du nombre et de l’acharnement. Leur victoire semblait certaine : on ne pouvait la leur arracher que par une intervention foudroyante. Nam et Gaw le concevaient aussi bien que le chef et bondissaient à toute vitesse. Quand ils furent proches, douze Nains Rouges, dix Hommes et Femmes-sans-épaules gisaient sur le sol.
La voix de Naoh s’éleva comme celle d’un lion, il tomba d’un bloc au milieu des adversaires. Toute sa chair n’était que fureur. L’énorme massue roula sur les crânes, sur les vertèbres et dans le creux des poitrines. Quoiqu’ils eussent redouté la force du colosse, les Nains Rouges ne l’avaient pas imaginée si formidable. Avant qu’ils se fussent ressaisis, Nam et Gaw se ruaient au combat, pendant que les Hommes-sans-épaules, dégagés, lançaient des sagaies.
Le désordre régna. Une panique arracha quelques Nains Rouges du champ de guerre, mais, sur les cris du chef, tous se rallièrent en une seule masse, hérissée d’épieux. Et il y eut une sorte de trêve.
Un instinct, contraire à celui des Nains, éparpillait les Hommes-sans-épaules. Comme ils maniaient préférablement l’arme de jet, ils trouvaient avantage à se dérober. Ils rôdaient à distance, d’une allure lente et triste.
De nouveau, les sagaies sifflèrent ; ceux qui n’avaient plus de munitions ramassaient des pierres minces et les adaptaient à leurs propulseurs. Naoh, approuvant leur tactique, lança lui-même ses
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