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La Guerre Du Feu

La Guerre Du Feu

Titel: La Guerre Du Feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: J.H. Rosny aîné
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extraordinairement différent des Oulhamr, des Kzamms et des Nains Rouges. Le crâne, excessivement long et très mince, produisait un poil chétif, très espacé ; les yeux, plus hauts que larges, obscurs, ternes, tristes, semblaient sans regard ; les joues se creusaient sur de faibles mâchoires, dont l’inférieure se dérobait ainsi que la mâchoire des rats ; mais ce qui surprenait surtout le chef, c’était ce corps cylindrique, où l’on ne discernait guère d’épaules, en sorte que les bras semblaient jaillir comme des pattes de crocodile. La peau se montrait sèche et rude, comme couverte d’écailles, et faisait de grands replis. Le fils du Léopard songeait à la fois au serpent et au lézard.
    Depuis que Naoh l’avait déposé sur les herbes sèches, l’homme ne bougeait pas. Parfois ses paupières se soulevaient lentement, son œil obscur se dirigeait sur les Nomades. Il respirait avec bruit, d’une manière rauque, qui était peut-être plaintive. Il inspirait à Nam et à Gaw une vive répugnance ; ils l’eussent volontiers jeté à l’eau. Naoh s’intéressait à lui, parce qu’il l’avait sauvé des ennemis et, beaucoup plus curieux que ses compagnons, il se demandait d’où l’autre venait, comment il se trouvait dans le marécage, comment il avait reçu sa blessure, si c’était un homme ou un mélange de l’homme et des bêtes qui rampent. Il essaya de lui parler par gestes, de lui persuader qu’il ne le tuerait point. Puis il lui montra l’abri des Nains Rouges, en faisant signe que c’était d’eux que viendrait la mort.
    L’homme, tournant son visage vers le chef, poussa un cri sourd et très guttural. Naoh crut qu’il avait compris.
    Le croissant touchait au bout du firmament, la grande étoile bleue avait disparu. L’homme, à demi redressé, appliquait des herbes sur sa blessure ; on voyait parfois une faible scintillation dans son œil opaque.
    Lorsque la lune sombra, les étoiles allongèrent leurs scintillations sur les ondes et l’on entendit travailler les Nains Rouges. Ils travaillèrent toute la nuit, les uns chargés de branchages, les autres avançant le retranchement. Plusieurs fois, Naoh se leva pour combattre. Mais il percevait le nombre des ennemis, leur vigilance et leurs embûches ; il comprenait que chaque mouvement des Oulhamr serait dénoncé ; et il se résigna, comptant sur les hasards de la lutte.
    Une nouvelle nuit passa. Au matin, les Nains Rouges lancèrent quelques sagaies qui vinrent s’abattre près du retranchement. Ils crièrent leur joie et leur triomphe.
    C’était le dernier jour. Au soir, les Nains achèveraient d’avancer leurs abris ; l’attaque se produirait avant le coucher de la lune... Et les Oulhamr scrutaient l’eau verdâtre avec colère et détresse, tandis que la faim rongeait leurs ventres.
    Dans la lueur du matin, le blessé semblait plus étrange. Ses yeux étaient pareils à du jade, son long corps cylindrique se tordait aussi facilement qu’un ver, sa main sèche et molle se recourbait bizarrement en arrière...
    Soudain, il saisit un harpon et le darda sur une feuille de nénuphar ; l’eau bouillonna, on aperçut une forme cuivrée et l’homme, retirant vivement l’arme, amena une carpe colossale. Nam et Gaw poussèrent un cri de joie : la bête suffirait au repas de plusieurs hommes. Ils ne regrettèrent plus que le chef eût sauvé la vie de cette créature inquiétante.
    Ils le regrettèrent moins encore quand il eut capturé d’autres poissons, car il avait un instinct de pêche extraordinaire. L’énergie renaquit dans les poitrines : voyant qu’une fois de plus l’action du chef avait été bienfaisante, Nam et Gaw s’exaltèrent. Parce que la chaleur courait dans leur chair, ils ne crurent plus qu’ils allaient mourir : Naoh saurait tendre un piège aux Nains Rouges, les faire périr en grand nombre et les épouvanter.
    Le fils du Léopard ne partageait pas cette espérance. Il ne découvrait aucun moyen d’échapper à la férocité des Nains Rouges. Plus il réfléchissait, mieux se révélait l’inutilité des ruses. À force de les repasser dans son imagination, elles s’usaient en quelque sorte. Il finissait par ne plus compter que sur la rudesse de son bras et sur cette chance en qui les hommes et les animaux, que de grands périls n’ont pu atteindre, mettent leur confiance.
    Le soleil était presque au bas du firmament, lorsque l’ouest s’emplit d’une nuée

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