La Guerre Du Feu
une petite vapeur s’élève, et voilà qu’un deuxième projectile passe et retombe. Le cœur figé, Naoh comprend la tactique de l’ennemi. À l’aide de cailloux, enveloppés d’herbe humide, il va tenter d’éteindre le Feu ou de l’amortir suffisamment, afin de faciliter le passage aux assaillants... Que faire ? Pour qu’on pût atteindre ceux qui occupent l’îlot, non seulement il faudrait qu’ils se découvrissent, mais les Oulhamr eux-mêmes devraient s’exposer à leurs coups.
Tandis que le fils du Léopard et ses compagnons s’agitaient furieusement, les pierres se succédaient, une vapeur continue fusait parmi les flammes, le buisson des Nains Rouges s’avançait sans relâche : les Nomades et l’Homme-sans-épaules frémissaient de la fièvre des bêtes traquées.
Bientôt toute une partie du Feu commença de s’éteindre.
– Nam et Gaw sont-ils prêts ? demanda le chef.
Et, sans attendre leur réponse, il poussa son cri de guerre. C’était une clameur de rage et de détresse, où les jeunes hommes ne retrouvaient pas la rude confiance du chef. Résignés, ils attendaient le signal suprême. Mais une hésitation parut saisir Naoh. Ses yeux palpitèrent, puis un rire strident jaillit de sa poitrine et l’espoir dilata son visage ; il mugit :
– Voilà quatre jours que le bois des Nains Rouges sèche au soleil !
Se jetant sur le sol, il rampa vers le bûcher, saisit un tison et le lança de toutes ses forces contre le buisson. Déjà l’Homme-sans-épaules, Nam et Gaw l’avaient rejoint, et tous quatre jetaient éperdument des brandons.
Surpris de cette manœuvre singulière, l’ennemi avait, au hasard, dardé quelques sagaies. Quand enfin il comprit, les feuilles sèches et les ramilles brûlaient par centaines ; une flamme énorme grondait autour du buisson et commençait à le pénétrer ; pour la seconde fois, Naoh poussait un cri de guerre, un cri de carnage et d’espérance, qui gonflait le cœur de ses compagnons :
– Les Oulhamr ont vaincu les Dévoreurs d’Hommes ! Comment n’abattraient-ils pas les petits chacals rouges ?
Le feu continuait à dévorer le buisson, une longue lueur écarlate s’étendait sur le marécage, attirait les poissons, les sauriens et les insectes ; les oiseaux élevaient parmi les roseaux un grand claquement d’ailes et les loups mêlaient leurs hurlées aux ricanements des hyènes.
Tout à coup, l’Homme-sans-épaules se dressa avec un mugissement, ses yeux plans phosphoraient, son bras tendu montrait l’occident.
Et Naoh, se tournant, aperçut sur les collines lointaines un Feu semblable à la lune naissante.
4
Le combat parmi les saules
Au matin, les Nains Rouges se montrèrent fréquemment. La haine faisait claquer leurs épaisses mâchoires et briller leurs yeux triangulaires. Ils montraient de loin leurs sagaies et leurs épieux, ils faisaient mine de percer des ennemis, de les abattre, de leur rompre le crâne et de leur ouvrir le ventre. Et, ayant rassemblé un nouveau buisson, qu’ils arrosaient d’eau par intervalles, déjà ils le poussaient vers l’arête granitique.
Le soleil était presque au haut du firmament, lorsque l’Homme-sans-épaules poussa une clameur aiguë. Il se leva, il agita les deux bras. Un cri semblable fendit l’espace et parut bondir sur le marécage. Alors, sur la rive, à grande distance, les Nomades aperçurent un homme exactement pareil à celui qu’ils avaient recueilli. Il se dressait à la corne d’un champ de roseaux, il brandissait une arme inconnue. Les Nains Rouges aussi l’avaient aperçu : tout de suite un détachement se mit à sa poursuite... Déjà l’homme avait disparu derrière les roseaux. Naoh, secoué d’impressions retentissantes, confuses et impétueuses, continuait à scruter l’étendue. Pendant quelque temps, on vit courir les Nains Rouges sur la plaine ; puis l’immobilité et le silence retombèrent. À la longue, deux des poursuivants reparurent, bientôt un autre groupe de Nains Rouges se mit en route : Naoh pressentit une aventure considérable. Le blessé la pressentait aussi, et moins obscurément. Malgré la plaie de sa cuisse, il était debout ; ses yeux opaques s’éclairaient de lueurs dansantes, il poussait par intervalles une rauque exclamation de bête lacustre.
Mystérieux, les événements se multiplièrent. Quatre fois encore, des Nains Rouges longèrent le marécage, et disparurent. Enfin, parmi des saules et des
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