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La Guerre et la Paix - Tome III

La Guerre et la Paix - Tome III

Titel: La Guerre et la Paix - Tome III Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Léon Tolstoï
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de bons quartiers d’hiver et un prompt retour dans la patrie. Conduisez-vous comme à Austerlitz, à Friedland, à Vitebsk, à Smolensk, et que la postérité la plus reculée cite avec orgueil votre conduite dans cette journée ; que l’on dise de chacun de vous : « Il était à cette grande bataille !
    « Napoléon. »
    Après avoir invité Monsieur de Beausset, qui aimait tant les voyages, à l’accompagner dans sa promenade, il sortit avec lui de sa tente, et se dirigea vers les chevaux qu’on venait de seller.
    « Votre Majesté est trop bonne, » dit de Beausset, quoiqu’il eût fort envie de dormir et qu’il ne sût pas monter à cheval : mais, du moment que Napoléon avait incliné la tête, force fut à Beausset de le suivre.
    À la vue de l’Empereur, les cris des vieux grognards qui entouraient le tableau devinrent frénétiques. Napoléon fronça les sourcils.
    « Enlevez-le, dit-il en indiquant le portrait : il est encore trop jeune pour voir un champ de bataille ! »
    Beausset ferma les yeux, baissa la tête, soupira profondément, et témoigna, par un geste plein de déférence, qu’il savait apprécier les paroles de l’Empereur.

IX
    L’historien de Napoléon nous le représente ce jour-là, passant la matinée à cheval, inspectant le terrain, discutant les différents plans qui lui étaient soumis par ses maréchaux, et donnant ses ordres aux généraux. La ligne primitive des troupes russes le long de la Kolotcha avait été rompue, et une partie de cette ligne, notamment le flanc gauche, avait été reculée par suite de la prise de la redoute de Schevardino. Cette partie n’était plus ni fortifiée ni couverte par la rivière, et devant elle s’étendait une plaine ouverte et unie. Il était évident, aussi bien pour un civil que pour un militaire, que c’était là que devait commencer l’attaque. Cela n’exigeait pas, du moins à ce qu’il semblait, de grandes combinaisons, ni ces soins minutieux de l’Empereur et de ses maréchaux, ni cette faculté supérieure, appelée le génie, qu’on aime tant à prêter à Napoléon ; mais ceux qui l’entouraient ne furent pas de cet avis, et les historiens qui décrivirent après coup ces événements firent chorus avec eux. Tout en parcourant le terrain et en examinant d’un air méditatif et soucieux les moindres détails de la localité, il secouait la tête, tantôt d’un air défiant, tantôt d’un air approbateur, et, sans initier aucun des généraux aux pensées profondes qui motivaient ses décisions, il se bornait à leur en donner la conclusion sous forme d’ordres. Davout, le prince d’Eckmühl, ayant émis l’opinion qu’il fallait tourner le flanc gauche des Russes, il lui répondit, sans lui en expliquer la raison, que c’était inutile. En revanche, il approuva le projet du général Compans, qui consistait à attaquer les ouvrages avancés et à faire passer les divisions par le bois, quoique Ney, duc d’Elchingen, se permît de faire observer qu’un mouvement à travers la forêt pouvait être dangereux, et mettre le désordre dans les rangs. En examinant l’endroit qui faisait face à la redoute de Schevardino, il réfléchit quelques secondes en silence, et indiqua les places où devaient s’élever pour le lendemain deux batteries, destinées à contre-battre les redoutes des Russes, et aussi la position que devait occuper l’artillerie de campagne. Après avoir donné ses instructions, il retourna à son bivouac et dicta les dispositions pour l’ordre de bataille.
    Ces dispositions, qui ont provoqué un enthousiasme sans bornes chez les historiens français et une approbation unanime chez les étrangers, étaient conçues en ces termes :
    « Deux nouvelles batteries, élevées pendant la nuit dans la plaine occupée par le prince d’Eckmühl, ouvriront, au petit jour, le feu contre les deux batteries ennemies leur faisant face.
    « Le chef de l’artillerie du 1 er corps, général Pernetti, se portera alors en avant avec 30 canons de la division Compans et tous les obusiers des divisions Dessaix et Friant ; il ouvrira le feu, et lancera ses obus sur la batterie ennemie, attaquée par :
    Canons de l’artillerie de la garde : 24 pièces.
    Canons de la division Compans : 30
    Canons des divisions Dessaix et Friant : 8
    Total : 62 pièces.
    « Le chef de l’artillerie du 3 ème corps, général Fouché, placera tous les obusiers des 3 ème et 8 ème corps, 16 pièces en

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