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La Guerre et la Paix - Tome III

La Guerre et la Paix - Tome III

Titel: La Guerre et la Paix - Tome III Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Léon Tolstoï
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persuadé que cela s’était passé ainsi… Mais Pierre revenait toujours à l’amour pour le prochain et au christianisme… et le petit Nicolas l’écoutait avec transport…
    – Cet enfant me cause de vives inquiétudes, dit la comtesse Marie : il n’est pas comme les autres, et je crains toujours de l’oublier en ne m’occupant que des miens ; il est seul, lui, et trop seul avec ses pensées !
    – Tu n’as, je crois, rien à te reprocher à ce sujet ; tu es pour lui comme la plus tendre des mères, et j’en suis heureux, car c’est un charmant enfant… Quelle franchise ! Jamais un mensonge ! Charmant enfant ! répéta Rostow, qui n’avait pas pour le petit Nicolas une affection des plus vives, mais qui, justement à cause de cela, ne manquait jamais d’en faire l’éloge toutes les fois que l’occasion s’en présentait.
    – Tu as beau dire, je sens que je ne suis pas une mère pour lui, et cela me tourmente, reprit la comtesse Marie en soupirant. La solitude ne lui vaut rien, la société lui serait nécessaire.
    – Eh bien, il en verra bientôt, puisque je dois le mener l’été prochain à Pétersbourg, » répondit Rostow.
    En attendant, à l’étage inférieur de la maison, le jeune Nicolas dormait d’un sommeil agité. Une veilleuse, car jamais on n’était parvenu à l’habituer à l’obscurité, répandait sa faible lueur dans la chambre. Réveillé tout à coup en sursaut, mouillé d’une sueur froide, il se dressa sur son lit, et ses yeux démesurément ouverts regardèrent droit devant lui. Un cauchemar effrayant le poursuivait : il se voyait avec l’oncle Pierre, coiffés tous deux de casques semblables à ceux des grands hommes de Plutarque ; une nombreuse armée les suivait, et cette armée se composait d’une multitude de fils blancs et ténus, comme ces toiles d’araignées qui voltigent et se balancent dans les airs en automne, et que Dessalles appelait les « fils de la Vierge ». La Gloire, dont le corps était également formé de ce tissu aérien, mais un peu plus serré marchait en avant. L’oncle Pierre et lui, se laissant glisser, heureux et légers, se rapprochaient de plus en plus du but, lorsque tout à coup les fils qui les entraînaient se détendent et s’enchevêtrent… Ils se sentent horriblement oppressés… et l’oncle Nicolas Rostow apparaît à leurs yeux, menaçant et terrible… « C’est vous qui avez fait cela leur dit-il en leur montrant les débris des plumes et de la cire à cacheter. Je vous aimais, mais Araktchéïew m’a donné un ordre, et je tuerai le premier qui s’avancera ! Oui, je le ferai ! » Le petit Nicolas se tourne du côté de Pierre, mais Pierre n’y est plus… C’est son père, le prince André ! Il n’a, il est vrai, aucune forme précise, mais c’est bien lui, il le sent à la violence de son amour, qui lui enlève toute sa force… Son père le caresse et le plaint, mais l’oncle Rostow avance toujours… Une folle terreur le saisit et il se réveille glacé d’épouvante… « Mon père, » se dit-il, « mon père m’a caressé… ! C’est bien Lui qui est venu, et il m’a approuvé, ainsi que l’oncle Pierre !… Quoi qu’ils disent, je « le » ferai. Mucius Scévola s’est bien brûlé la main ? Pourquoi ne ferais-je pas de même un jour ?… Ils tiennent à ce que je m’instruise ?… Soit. Je m’instruirai, mais un jour viendra où je cesserai d’apprendre, et c’est alors que je « le » ferai !… Je ne demande qu’une chose au bon Dieu, c’est qu’il y ait en moi ce qu’il y avait dans les grands hommes de Plutarque ! Je ferai mieux encore ; on le saura, on m’aimera, on parlera avec éloges de moi, et… » Des sanglots lui serrèrent la poitrine, et il fondit en larmes.
    « Êtes-vous souffrant ? lui demanda Dessalles, que ses pleurs avaient subitement réveillé.
    – Non, répondit vivement l’enfant en reposant sa tête sur l’oreiller… Comme il est bon, lui aussi, et comme je l’aime ! murmura-t-il… et l’oncle Pierre, quelle perfection !… Et mon père ! Oui, je le ferai !… Lui-même m’aurait approuvé !… »

DEUXIÈME PARTIE
     
    I
    L’objet de l’histoire est la vie des peuples et de l’humanité. Mais saisir d’une prise directe, embrasser avec des mots, décrire la vie non seulement de l’humanité mais même d’un seul peuple paraît impossible.
    Tous les historiens de l’antiquité ont usé d’un seul et

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