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La jeune fille à la perle

La jeune fille à la perle

Titel: La jeune fille à la perle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tracy Chevalier
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jusqu’à celui de Pieter. Il parut étonné de me voir. « Tu es déjà
là ? Tu étais donc si pressée de revenir chercher de cette langue de
boeuf ?
    — Aujourd’hui, j’aimerais
un rôti de mouton, s’il vous plaît.
    — Dis-moi, Griet,
n’était-ce pas la meilleure langue de boeuf que tu aies jamais
goûtée ? »
    Je refusai de lui octroyer le
compliment qu’il quémandait. « Mes maîtres l’ont mangée, répondis-je. Ils
n’ont rien dit. » Derrière Pieter, un jeune homme était occupé à découper
un quartier de boeuf, il se retourna. Il devait être le fils car, bien qu’il fût
plus grand que le père, il avait les mêmes yeux bleus. Ses cheveux blonds
étaient longs et fournis, des boucles encadraient un visage qui me rappelait un
gros abricot. Seule ombre au tableau, son tablier taché de sang.
    Son regard vint se poser sur
moi comme un papillon sur une fleur, je ne pus m’empêcher de rougir. Les yeux
rivés sur le père, je réitérai ma demande de rôti de mouton. Pieter fourragea
dans sa réserve et il en tira un rôti qu’il posa sur le comptoir. Deux paires
de yeux m’observaient.
    Le rôti était grisâtre sur les
côtés. Je reniflai la viande. « Ce
n’est pas frais, déclarai-je, sans ména gement. Madame ne serait pas trop
contente que vous vous attendiez à ce que sa famille mange une viande de ce
genre. » Le ton de ma voix était plus hautain que je ne l’aurais souhaité,
sans doute était-ce nécessaire. Père et fils me dévisagèrent. Je soutins le
regard du père tout en essayant de ne pas voir le fils.
    Pieter se tourna enfin vers son
fils. « Pieter, va donc me chercher ce rôti qu’on a mis de côté sur le
chariot.
    — Mais il est pour… »
Pieter fils s’arrêta net. Il disparut et
revint avec un autre rôti qui, je le vis tout de suite, était de
meilleure qualité. J’approuvai de la tête. « C’est tout de même
mieux. »
    Pieter fils enveloppa le rôti
et le mit dans mon seau. Je le remerciai. En m’en allant, je surpris le regard
qu’échangèrent père et fils. Même alors, je compris plus ou moins ce qu’il
voulait dire, et aussi ce qu’il voudrait dire pour moi par la suite.
     
    *
     
    À mon retour, Catharina était
assise sur le banc, elle donnait à manger à Johannes. Je lui montrai le rôti.
Elle approuva de la tête. Au moment où j’allais entrer, elle dit à voix
basse : « Mon mari a inspecté l’atelier et il a apprécié la façon
dont le ménage a été fait. » Elle ne me regarda pas.
    « Merci, Madame. » Je
pénétrai dans la maison, jetai un coup d’oeil sur une nature morte composée de
fruits et d’un homard, et me dis, ainsi donc, je vais vraiment rester ici.
    Le reste de la journée se passa
à peu près comme la matinée. Et comme se passeraient les jours suivants. Après
avoir fait le ménage de l’atelier et m’être rendue au marché pour y acheter le
poisson ou la viande, je me remettais à la lessive. Un jour, je triais le
linge, le mettais à tremper et en retirais les taches, le lendemain, je le
frottais, le rinçais, le mettais à bouillir et l’essorais avant de l’étendre
pour que le soleil de midi le blanchisse, le jour suivant, je le repassais, le
raccommodais ou le pliais. À un moment ou à un autre, il fallait toujours que
je m’arrête pour aider Tanneke au repas de midi. Celui-ci terminé, nous
faisions la vaisselle et rangions. J’avais alors un peu de temps pour me
reposer et coudre sur le banc qui était devant la maison ou sur celui qui était
dans la cour. Après cela, je terminais ce que j’avais entrepris dans la
matinée, puis j’aidais Tanneke au repas du soir. Notre journée achevée, nous
passions une dernière fois la serpillière afin que tout soit propre le lendemain
matin.
    Le soir, je recouvris la
Crucifixion accrochée au pied de mon lit avec le tablier que j’avais porté dans
la journée. Du coup, je dormis mieux. Le lendemain, j’ajoutai le tablier à la
lessive de la journée.
     
    *
     
    Le deuxième jour, lorsque
Catharina ouvrit la porte de l’atelier, je lui demandai si je devrais faire les vitres.
    « Et pourquoi pas ?
me répondit-elle sèchement Veuillez ne pas m’importuner avec des questions sans
importance.
    — C’est à cause de la
lumière, Madame, expliquai-je. Si je les lavais, cela pourrait changer tout le
tableau. Vous voyez ? »
    Non, elle ne voyait pas.
D’ailleurs, elle ne pénétrerait pas, ou ne pourrait pas pénétrer,

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