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La jeune fille à la perle

La jeune fille à la perle

Titel: La jeune fille à la perle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tracy Chevalier
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Tu manges dans de belles
assiettes ? »
    Je ris, refusant de répondre à
aucune de ses questions avant d’avoir embrassé ma mère et salué mon père. C’est
avec fierté que je remis à ma mère les quelques pièces de monnaie que j’avais
dans la main, tout en sachant que ce n’était pas grand-chose. Après tout,
c’était pour cela que je travaillais. Mon père nous rejoignit dehors. Je lui
tendis les mains pour le guider vers le porche. En s’asseyant sur le banc, il
passa le pouce sur mes paumes. « Tu as les mains toutes gercées, me
dit-il. Elles sont rêches et usées. Tu portes déjà les marques du rude labeur.
    — Ne vous inquiétez pas,
répondis-je calmement. Beaucoup de lessive m’attendait parce qu’ils n’avaient
pas assez d’aide avant mon arrivée. Ça s’arrangera vite. »
    Ma mère les examina à son tour.
« Je vais mettre de la bergamote à macérer dans de l’huile, dit-elle. Ça
devrait t’aider à retrouver des mains toutes douces. Agnès ira en cueillir avec
moi à la campagne.
    — Raconte ! supplia
Agnès. Parle-nous d’eux ! »
    Je leur décrivis ma vie là-bas,
gardant pour moi certains détails tels que ma fatigue le soir, le tableau de la
Crucifixion accroché au pied de mon lit, la gifle que j’avais envoyée à
Cornelia ou le fait que Maertge et ma soeur Agnès avaient le même âge. À part
cela, je leur dis tout.
    Je transmis à ma mère le
message du boucher. « C’est très aimable à lui, dit-elle. Mais il sait
bien que nous n’avons pas de quoi nous offrir de la viande et que je
n’accepterai pas ce genre de charité.
    — Je ne pense pas qu’il y
voie de la charité, repris-je. À mon avis,
il fait cela par amitié. »
    Elle ne répondit pas, mais il
était clair qu’elle ne retournerait pas chez le boucher.
    Elle sourcilla mais ne dit mot
en m’entendant mentionner les nouveaux bouchers, Pieter père et fils.
    Après cela, nous nous rendîmes
au culte, où je me retrouvai entourée de visages familiers parlant un langage
qui m’était familier. Assise entre Agnès et ma mère, je sentis peu à peu mon
dos se détendre et mon visage se libérer du masque que j’avais porté toute la
semaine. J’étais au bord des larmes.
    À notre retour, ma mère et Agnès
refusèrent mon aide pour préparer le déjeuner. J’allai tenir compagnie à mon
père sur le banc. Il resta là, durant toute notre conversation, la tête
fièrement relevée, offrant son visage à la tiédeur du soleil.
    « Et maintenant, Griet,
parle-moi de ton nouveau maître. Tu l’as à peine mentionné.
    — Je ne l’ai pas beaucoup
vu, pus-je lui répondre en toute honnêteté. Ou bien il est dans son atelier, et
personne ne doit l’y déranger, ou bien il est sorti.
    — Il s’occupe de la
Guilde, sans doute. Mais tu as pénétré dans son atelier, tu nous as parlé de ta
façon de faire le ménage et d’établir des repères pour tout remettre en place,
mais tu n’as rien dit du tableau auquel il travaille. Décris-le-moi.
    —  Je ne sais pas si je parviendrai à vous donner l’impression de
le voir.
    — Essaie toujours. Que
veux-tu, je n’ai plus vraiment matière à penser en dehors de souvenirs, et
j’aurais plaisir à imaginer un tableau peint par un maître, même si mon esprit
n’en recrée qu’une piètre imitation. »
    Je m’efforçai donc de lui décrire
la femme nouant son collier de perles, les mains suspendues dans les airs,
tandis qu’elle se contemple dans le miroir, la coulée de jour qui baigne son
visage et sa veste jaune, la pénombre du premier plan qui la sépare de nous.
    Mon père écouta avec grande
attention, mais son visage ne s’illumina que lorsque j’ajoutai : « La
lumière sur le mur à l’arrière-plan est si chaleureuse qu’en la regardant vous
croiriez avoir le soleil sur le visage. »
    Il hocha la tête et sourit,
heureux d’enfin comprendre.
    « Somme toute, conclut-il,
ce que tu préfères dans ta nouvelle vie,
c’est d’avoir accès à l’atelier. »
    C’est même la seule et unique
chose que j’en apprécie, me dis-je.
    Lorsque nous déjeunâmes, je m’efforçai
de ne pas comparer ce repas avec ceux de la maison du Coin des papistes, mais
je m’étais déjà habituée à la viande et au bon pain de seigle. Ma mère avait
beau être meilleure cuisinière que Tanneke, le pain brun était sec et les
légumes braisés semblaient fades, sans gras de viande pour les relever. La salle
à manger était,

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