Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La jeune fille à la perle

La jeune fille à la perle

Titel: La jeune fille à la perle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tracy Chevalier
Vom Netzwerk:
jadis.
Je les suivis du regard jusqu’à ce qu’ils disparaissent à l’horizon.
    Frans apparut enfin. Encore
ensommeillé, il se frottait le visage. « Salut, Griet, dit-il. Je ne
savais pas si c’était toi ou Agnès. Je suppose cependant qu’Agnès ne
s’aventurerait pas si loin toute seule. »
    Il ne savait pas. Je ne pus me
retenir plus longtemps, ni même le lui annoncer avec douceur.
    « Agnès a la peste,
lâchai-je. Que Dieu la protège et protège nos parents ! »
    Frans cessa de se frotter le
visage. Il avait les yeux rouges.
    « Agnès ?
répéta-t-il, bouleversé. Comment l’as-tu appris ?
    — Quelqu’un s’est
renseigné pour moi.
    — Tu ne les as pas
vus ?
    — Non, la quarantaine a
été décidée.
    — La quarantaine ?
Depuis combien de temps ?
    —  Dix jours. »
    Frans
secoua la tête, il était en colère. « Dire que je n’en savais rien ! Je crois que je vais
devenir fou à force de passer mes journées enfermé dans cette fabrique au
milieu de ces carreaux de faïence !
    — C’est plutôt à Agnès que
tu devrais penser pour le moment. »
    Frans baissa la tête, l’air
malheureux. Il avait grandi depuis la dernière fois que je l’avais vu, quelques
mois plus tôt. Sa voix était devenue plus grave.
    « Dis-moi, Frans, ça
t’arrive d’aller à l’église ? »
    Il haussa les épaules. Mieux
valait ne pas le questionner davantage.
    « Je vais à l’église prier
pour eux, préférai je lui dire. Voudrais-tu m’y accompagner ? »
    Il n’en avait pas envie, mais
je m’arrangeai pour l’en persuader, je ne voulais pas me retrouver à nouveau
seule dans une église inconnue. Il y en avait une à proximité, nous y entrâmes.
Le service ne me fut pas d’un grand réconfort, mais je priai de tout mon coeur
pour ma famille.
    Nous marchâmes en silence le
long de la Schie, chacun devinant les pensées de l’autre. Ni lui ni moi
n’avions jamais entendu parler de personne ayant survécu à la peste.
     
    *
     
    « Allons, ma fille, tu
débarrasseras ce coin de la pièce aujourd’hui », me dit un matin Maria
Thins en ouvrant l’atelier.
    Là-dessus, elle m’indiqua d’un
geste le coin qu’il était en train de peindre. Je ne compris pas ce qu’elle avait en tête. « Tu rangeras tout
ce qui se trouve sur la table dans les bahuts du débarras, reprit-elle.
Sauf la coupe et la houppette de Catha rina
que j’emporterai. » Elle se dirigea ensuite vers la table et ramassa deux des objets que j’avais
passé tant de temps à replacer avec soin ces dernières semaines.
    Lisant
sur mon visage, Maria Thins se mit à rire. « Ne
t’inquiète pas. Il a terminé. Il n’en a plus besoin. Quand tu auras fini, tu
veilleras à bien épousseter les chaises et à les replacer près de la fenêtre du milieu, puis tu ouvriras tous les
volets. » Là-dessus, elle s’en alla, serrant contre elle la coupe en étain.
    Sans la coupe en étain ni la
houppette, le dessus de la table devenait un tableau que je ne reconnaissais
pas. La lettre, l’étoffe, le pot en céramique avaient perdu tout sens, comme si
quelqu’un les y avait simplement posés au hasard. Quoi qu’il en fût, je ne me
voyais pas les déplaçant.
    Je remis cela à plus tard,
préférant commencer par d’autres tâches. J’ouvris tous les volets, ce qui
rendit la pièce aussi lumineuse qu’insolite, puis je passai la serpillière et
j’époussetai partout, sauf sur la table. Je contemplai un instant le tableau,
essayant de découvrir la différence qui permettait de dire qu’il était achevé.
Je n’avais pas remarqué de changements au cours des derniers jours.
    Je réfléchissais quand il
entra. « Vous n’avez pas fini de débarrasser tout ça, Griet, dépêchez-vous.
Je suis venu vous aider à déplacer la table.
    — Pardonnez-moi d’avoir
été si lente, Monsieur. C’est juste que… » Il paraissait étonné que je
veuille dire quelque chose. « Que voulez-vous, j’ai tellement l’habitude
de voir les objets là où ils sont que je n’ai aucune envie de les déplacer.
    —  Oh ! je comprends… Dans ce cas, je vais vous aider. »
Il saisit l’étoffe bleue sur la table et me la tendit. Il avait les mains très
propres. Je pris l’étoffe sans les toucher, j’allai la secouer par la fenêtre puis je la repliai avant de la ranger
dans un bahut du débarras. Quand je revins, il avait rangé la lettre et
le pot en céramique. Nous repoussâmes la table d’un

Weitere Kostenlose Bücher