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La jeune fille à la perle

La jeune fille à la perle

Titel: La jeune fille à la perle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tracy Chevalier
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il se mit à peindre des taches
de couleur, des taches noires pour la jupe, ocre pour le corselet et la carte
sur le mur, rouges pour l’aiguière et le bassin sur lequel elle était posée,
grises pour le mur. Ce n’était pas les bonnes couleurs, aucune n’était celle de
l’objet en question. Il passa un long moment à jouer avec ces
« fausses » couleurs, comme je les appelai.
    Parfois la jeune femme venait
poser pendant des heures et pourtant, quand je regardais le tableau le
lendemain, rien ne semblait avoir été ni ajouté ni retiré. Il s’agissait de
plages de couleurs qui ne représentaient rien, si longtemps que je les étudie.
Je savais ce qu’elles étaient censées rendre pour la simple raison que c’était
moi qui nettoyais ces objets et que j’avais repéré ce que la jeune femme
portait, ayant jeté un regard furtif dans la grande salle un jour, alors
qu’elle enfilait le mantelet jaune et noir de Catharina.
    Je préparais à contrecoeur les
couleurs qu’il me demandait chaque matin. Une fois, j’y ajoutai du bleu. Je
recommençai, il me dit alors : « Pas d’outremer, Griet. Juste les
couleurs que j’ai demandées. Pourquoi avez-vous sorti cette couleur alors que
je ne vous l’avais pas demandée ? » Il était contrarié.
    « Pardonnez-moi, Monsieur.
C’est juste…, je respirai à fond, qu’elle porte une jupe bleue. J’aurais cru
que vous voudriez mettre un peu de bleu, plutôt que de la laisser noire…
    — Quand je serai prêt, je
vous la demanderai. »
    J’acquiesçai et me remis à
astiquer les têtes de lion de la chaise. J’étais oppressée. Je ne voulais pas
qu’il se mette en colère.
    Il ouvrit la fenêtre du milieu,
refroidissant la pièce.
    « Venez
ici, Griet. »
    Je posai mon chiffon sur
l’appui de la fenêtre et allai vers lui.
    « Regardez dehors. »
    Je regardai. Le ciel était
couvert, il soufflait un petit vent frais, des nuages passaient derrière la
tour de la Nouvelle-Église.
    « De quelle couleur sont
ces nuages ?
    — Ils sont blancs, bien
sûr, Monsieur. »
    Il parut un peu étonné. « Vous
trouvez ? »
    Je les regardai à nouveau.
« Et gris aussi. Peut-être va-t-il neiger.
    Allons, Griet. Vous avez de
meilleurs yeux que ça. Pensez à vos légumes.
    Mes légumes,
Monsieur ? »
    Il remua légèrement la tête. Je
l’agaçais. Ma mâchoire se crispa.
    « Rappelez-vous comment
vous aviez mis à part les légumes blancs. Vos navets et vos oignons sont-ils du
même blanc ? »
    Je finis par comprendre.
« Non, dans le navet vous avez du vert et dans l’oignon du jaune.
    C’est exact. Et maintenant,
quelles couleurs voyez-vous dans les nuages ?
    J’y vois du bleu, répondis-je,
après les avoir étudiés quelques minutes. Et aussi du jaune. Et même un peu de
vert ! » Je les montrai du doigt, excitée que j’étais. Toute ma vie,
j’avais vu des nuages mais j’eus à cet instant l’impression de les découvrir.
    Il souriait. « Vous vous
apercevrez qu’il n’y a que peu de vrai blanc dans les nuages et pourtant on dit
qu’ils sont blancs. Alors, comprenez-vous pourquoi je n’ai pas besoin de bleu
pour le moment ?
    — Oui, Monsieur. » Je
ne comprenais pas réellement, mais je ne voulais pas l’admettre. J’avais
l’impression de presque savoir.
    Quand il finit par ajouter des
couleurs au-dessus de ces « fausses » couleurs, je compris. Il passa
un bleu pâle sur la jupe de la jeune femme et celui-ci se transforma en un bleu
moucheté de noir, que l’ombre de la table rendait plus foncé, et qui
s’éclaircissait près de la fenêtre. Au mur, il ajouta de l’ocre jaune, laissant
entrevoir du gris, le rendant lumineux mais non pas blanc. À la lumière du
jour, je m’aperçus qu’il n’était pas blanc mais composé de nombreuses couleurs.
    L’aiguière et le bassin
représentaient la partie la plus compliquée, ils devinrent jaune, brun, vert et
bleu. Ils réfléchissaient le motif du tapis, le corselet de la jeune femme,
l’étoffe bleue drapée sur la chaise, ils étaient tout sauf de leur véritable
couleur argentée. Et pourtant il n’y avait pas à s’y méprendre, c’était bien
une aiguière et un bassin. Après cela, je ne pouvais m’empêcher d’ouvrir bien
grands les yeux.
    Il devint plus difficile de
cacher ce que je faisais les jours où il voulait que je l’aide à préparer les
peintures. Un matin, il me fit monter au grenier, auquel on accédait par une
échelle

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