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La jeune fille à la perle

La jeune fille à la perle

Titel: La jeune fille à la perle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tracy Chevalier
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tableau, me demandant même si elle l’avait vu.
    Je
devais me montrer prudente avec elle. Longtemps elle n’avait été qu’une
fillette, aussi ne me sentais-je pas libre de lui poser trop de questions sur
sa famille. Je devais attendre avec patience qu’elle m’apporte des bribes de
nouvelles. Une fois qu’elle fut en âge de me parler plus librement, je n’étais
plus vraiment intéressée par sa famille, ayant désormais la mienne.
    Pieter
tolérait ses visites, mais je me rendais compte qu’elle le mettait mal à
l’aise. Il fut soulagé le jour où elle épousa le fils d’un marchand de soie.
Elle espaça alors ses visites et changea de boucher.
    Voici
qu’au bout de dix années on m’appelait dans la maison dont j’étais partie de
façon si soudaine.
    Deux
mois plus tôt, je coupais de la langue de boeuf quand j’entendis une cliente qui
attendait son tour dire à une autre cliente : « Oui, pensez
donc ! Mourir et laisser onze enfants et une veuve face à de telles
dettes ! »
    Je levai la tête, le couteau
entailla ma paume. Je ne ressentis aucune douleur jusqu’à ce que je
demande : « De qui parlez-vous ? » et que la femme me
réponde : « Le peintre Vermeer est mort. »
     
    *
     
    Je brossai mes ongles avec une
vigueur toute particulière quand je finis à l’étal. Il y avait bien longtemps
que j’avais renoncé à les avoir impeccables, ce qui amusait Pieter père.
« Tu vois, tu as fini par t’habituer à avoir des traces de sang sous les ongles,
tout comme tu as fini par t’habituer aux mouches, se plaisait-il à dire.
Maintenant que tu as un peu vécu, tu peux voir qu’il n’y a pas de raison
d’avoir toujours les mains propres. Elles se resalissent, c’est tout. La
propreté n’est pas aussi importante que tu le
croyais à l’époque où tu étais servante, pas vrai ? » Il
m’arrivait pourtant d’écraser de la lavande et de la cacher sous ma chemise
afin de masquer l’odeur de viande qui semblait coller à moi, même lorsque
j’étais loin du marché à la viande.
    Il y
avait bien des choses auxquelles j’avais dû m’habituer.
    Je
changeai de robe, mis un tablier propre et une coiffe tout juste empesée. Je
continuais à porter ma coiffe comme avant, sans doute n’avais-je guère changé
depuis le jour où j’avais fait mes débuts de servante. Si ce n’est que mes yeux
n’étaient plus aussi grands ouverts ni aussi innocents.
    Nous
avions beau être en février, ce n’était pas les grands froids. Il y avait
beaucoup de monde sur la place du Marché, nos clients, nos voisins, des connaissances
qui ne manqueraient pas de remarquer mes premiers pas le long de l’Oude
Langendijck en dix ans. Il me faudrait éventuellement dire à Pieter que je m’y
étais rendue. Je ne savais pas encore s’il me faudrait lui mentir quant à la
raison de ma visite.
     
    *
     
    Je traversai la place, puis le
pont menant à l’Oude Langendijck. Je marchai d’un pas décidé, soucieuse de ne
pas attirer l’attention, je tournai au coin et remontai la rue. Ce n’était pas
loin, en moins d’une minute j’étais chez eux, même si cela me parut une
éternité. J’avais l’impression de me rendre dans une ville étrangère où je
n’avais pas mis les pieds depuis des années.
    Il faisait doux, la porte était
ouverte et des enfants étaient assis sur le banc. J’en comptai quatre, deux
garçons et deux filles. Ils étaient alignés là comme leurs soeurs aînées, le
jour de mon arrivée, dix ans plus tôt. L’aîné s’amusait à faire des bulles de
savon comme Maertge, il posa son bâtonnet en me voyant. Il paraissait avoir dix
ou onze ans. Au bout d’un moment, je compris que c’était sans doute Franciscus,
même si je ne retrouvai guère en lui le bébé que j’avais connu. Mais j’avoue
qu’à l’époque les bébés ne m’intéressaient pas vraiment. Je ne reconnus pas les
autres, sauf pour les avoir croisés en ville avec leurs aînées. Tous me
dévisagèrent.
    Je m’adressai à
Franciscus : « Ayez la gentillesse de dire à votre grand-mère que
Griet voudrait la voir. »
    Franciscus se tourna vers
l’aînée des deux filles. « Beatrix, va chercher Maria Thins. »
    La fillette se leva d’un bond et
disparut dans la maison. Je revis la façon dont jadis Maertge et Cornelia
s’étaient bousculées pour annoncer mon arrivée, et je souris intérieurement.
    Les enfants continuèrent à me
dévisager.
    « Je sais qui vous

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