La jeunesse mélancolique et très désabusée d'Adolf Hitler
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« Du côté paternel comme maternel, ses ascendants venaient d’une très pauvre région marginale de l’Autriche-Hongrie, un pays couvert de sombres forêts situées entre le Danube et la frontière de Bohême. Le Waldviertel était habité par une population essentiellement paysanne où les mariages entre sujets du même sang avaient engendré de multiples liens de parenté, une mentalité étroite et arriérée. »
Joachim Fest, Hitler , tome I
Vendredi 20 mai 1871.
Spital am Wald.
Province du Waldviertel. Cisleithanie.
Le premier événement appelé à bouleverser de fond en comble l’existence de Klara Pölzl (onze ans) se produisit en début de matinée ; le second en fin de soirée.
La fillette sortait ses vaches et passait devant la ferme des Hiedler (numéro 36) lorsqu’elle vit son grand-père maternel Nepomuk, vêtu de ses beaux habits, en train de cogner sur Rolfie avec un manche de pelle.
– Pourquoi tu le bats, grand-père ? Il est gentil Rolfie.
– Il peut plus chasser mais il mange quand même.
Prenant soin de ne pas se salir, Nepomuk souleva le vieux chien inanimé et le jeta à l’arrière du char à bœufs.
Klara renifla ses larmes.
– Tu l’emmènes où ?
– Je vais le jeter dans la mare. Les poissons vont le manger, comme ça il servira à quelque chose.
– C’est pour ça que t’es habillé en dimanche ?
– Mais non, nigaude, c’est mon neveu que je vais chercher à Weitra… et arrête de pleurnicher ! Occupe-toi plutôt de tes vaches. Regarde, elles sont presque chez les Rörbachter.
Le char à bœufs du vieux paysan s’ébranla. Klara remit les deux vaches sur le droit chemin en leur distribuant des claques sonores sur la croupe.
Cette année, le printemps s’était déclaré tardivement, le blé venait à peine de faire son grain et les arbres leurs bourgeons. Dans le ciel, le soleil luttait contre les nuages et, faute de vent, il perdait. Cinq cents pas plus loin, dominant le village, s’étendait le pré clôturé des Pölzl. Sa superficie aurait été suffisante pour nourrir deux bovins, mais le terrain, excessivement caillouteux, ne produisait que soixante kilos d’herbe ; or, une bonne laitière devait brouter chaque jour un minimum de cinquante kilogrammes.
Klara poussa le portail de bois et s’effaça pour laisser passer les deux Holstein. Sans hésitation, celles-ci allèrent là où elles s’étaient arrêtées de paître la veille.
La fillette entra dans la cahute qui servait de remise à outils et d’abri en cas de pluie ; munie d’un seau et d’une pelle, elle s’en alla épierrer le coin de pré que lui avait indiqué Baptist Pölzl, son père. La consigne était de fouiller le sol et d’en extraire tout ce qui relevait de la matière minérale solide ; avant de déposer la pierraille dans le seau, elle devait la débarrasser de sa précieuse terre. Le but de Baptist Pölzl était de libérer la terre de ses cailloux et d’inciter son terrain à produire cinquante kilos d’herbe supplémentaires.
Quand le soleil fut à son zénith, Klara déjeuna à l’ombre du plus grand des sapins : un morceau de fromage de chèvre, une patate cuite, une pincée de sel, une pomme mûre.
Lorsqu’un chien aboya au loin dans le hameau, elle versa quelques larmes en songeant à Rolfie : elle ne se souvenait pas d’un jour sans avoir caressé sa grosse tête au poil dru. Mais pourquoi le fait de ne plus pouvoir chasser avait-il suffi à le condamner ? Elle frémit à la pensée qu’un jour, si elle ne servait plus à rien, on la cognerait à mort pareillement.
La journée passa, et quand l’ombre du grand sapin atteignit la clôture, Klara regroupa ses vaches pour les conduire au ruisseau qui coulait dans le bois en contrebas.
Elle lava ses mains terreuses dans l’eau courante, puis elle but une gorgée d’eau froide qui lui tira un long frisson. Depuis le réveil, elle se sentait fiévreuse et son bas-ventre était douloureux, comme la fois où elle avait mangé des cerises vertes. Elle inspecta sa poitrine naissante et s’inquiéta de voir ses mamelons anormalement gonflés et douloureux.
Désaltérées, les Holstein firent demi-tour, impatientes de rentrer à l’étable pour s’y faire traire.
Klara approchait du hameau quand elle vit un attroupement devant la ferme de son grand-père Nepomuk. Elle le reconnut en compagnie de tante Walburga, de son mari, de leur marmaille et même de quelques voisins
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