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La jeunesse mélancolique et très désabusée d'Adolf Hitler

La jeunesse mélancolique et très désabusée d'Adolf Hitler

Titel: La jeunesse mélancolique et très désabusée d'Adolf Hitler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Folco
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Aloïs se présenta au presbytère où le père Hansen apprenait à lire, écrire et compter à tous ceux qui en manifestaient le désir. Il apprit l’alphabet et la table des multiplications à la vitesse d’un épervier fondant sur sa proie, découvrant qu’il prenait du plaisir à comprendre. Dès qu’il sut écrire, Aloïs transcrivit son nom, le vrai, ALOS TRICOTIN, sur la poussière du chemin, sur une vitre embuée, sur une motte de beurre, prêt à tout effacer au cas ou quelqu’un approcherait. Chaque soir avant de s’endormir sur sa paillasse dans le recoin de la grange, il contemplait la miniature, posant parfois son index sur le visage de Carolus, se prenant à rêver éveillé… demain, il serait là… il le verrait bavardant avec tonton, puis il l’entendrait dire : « Prépare-toi, je t’emmène ! » Mais avant de partir, Aloïs
lui demanderait de faire un dernier tour dans le hameau, afin que tous les voient ensemble, main dans la main, et qu’ils comprennent une bonne fois pour toutes qu’il n’avait jamais, jamais, jamais été l’un des leurs.
    Les mois passaient et Carolus se faisait attendre.
    Las de patienter, Aloïs prit l’initiative. Il se fabriqua une paire de chaussures et un havresac de cuir dans lequel il rangea ses outils de cordonnier, ses quelques vêtements, la miniature de Zwettl, la mèche de cheveux de sa mère, un beau morceau de lard, un morceau de fromage, trois oignons, une miche de pain noir.
    Fin prêt, il quitta Spital dans la nuit du 1 er  au 2 juin 1850 et parcourut les cent vingt kilomètres le séparant de Vienne en trois jours, ses chaussures de cuir à la main pour ne pas les user.
    À l’aube du sixième jour, il se chaussa et entra dans la capitale de l’Empire austro-hongrois par la porte ouest, éberlué par l’épaisseur des murailles, l’enchevêtrement des rues, la hauteur des maisons, le vacarme du trafic, le va-et-vient de la foule. Il interrogea timidement plusieurs passants avant d’en trouver un qui daigne lui indiquer la direction de la Berggasse.
    Le troisième souvenir d’Aloïs datait du 7 juin 1850, jour de son treizième anniversaire.
    Arrivé au numéro 19 – un immeuble bourgeois, à la belle façade décorée de lions sculptés et de bustes héroïques – le gamin resta comme paralysé devant la plaque de cuivre signalant que le docteur Karolus Trikotin exerçait au premier étage.
    Le cœur battant la charge face à cette nouvelle preuve d’existence, l’esprit submergé d’émotions contradictoires (fallait-il l’appeler monsieur ou papa ?), Aloïs franchit le porche lorsqu’il entendit des bruits de pas dans l’escalier. Pris de panique, il fit demi-tour et s’éloigna à grande vitesse, ne s’arrêtant que devant les eaux sales du Donaukanal devant
lequel venait mourir la Berggasse. Il erra un long moment avant de se décider à revenir sur ses pas, à monter l’escalier menant au premier étage, à tirer sur la clochette de la porte d’entrée. Des pas se firent entendre, des verrous claquèrent (trois), la porte s’ouvrit sur une femme en bonnet et tablier de domestique.
    – Qu’est-ce que tu veux ?
    – Je veux voir le docteur.
    – Le docteur ne reçoit plus après 15 heures.
    Aloïs trépigna sur le palier, comme s’il avait envie.
    – Je suis pas malade, je dois le voir, c’est très important.
    La bonne hésita, soupira, faillit hausser les épaules, lui tourna le dos, se dirigea vers une porte close. Aloïs la suivit, marchant à petits pas sur un parquet qui sentait bon l’encaustique à la cire d’abeille. Tout ce qu’il voyait, même le portemanteau, semblait coûteux, voire luxueux.
    La bonne cogna trois toc contre le battant.
    Un «  herein  » assourdi lui répondit.
    Le cœur du gamin s’emballa comme s’il voulait s’échapper de sa cage thoracique. La bonne ouvrit la porte :
    – C’est point un malade, Herr Doktor, c’est juste un petit paysan qui insiste pour vous voir.
    Aloïs fit un pas en avant.
    Une vaste pièce lumineuse, les murs cachés par des bibliothèques débordantes de livres, un grand bureau près d’une fenêtre donnant sur une cour intérieure ombragée par quelques arbres rabougris.
    Assis derrière le bureau, en chemise à col ouvert, un moustachu au visage blême, au front moite, aux joues barrées de cicatrices de Mensur, le regardait, les yeux ronds, incrédule, proche du sauve-qui-peut.
    La bonne partie, Aloïs dit d’une

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