La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
À genoux, à genoux ; maintenant relevez-vous, sire chevalier de la Calebasse ! Quel est ton nom ? et qu’un de vous me prête une rapière.
– Olivier, plaise à Votre Honneur, je veux dire à Votre Principauté.
– Olivier, dis-tu ? Non, tu es maintenant un des douze pairs, et le hasard a anticipé sur la promotion que nous avions l’intention de faire. Relève-toi, sire Olivier-tête-de-Paille, chevalier de l’ordre du Potiron. Relève-toi, au nom de la Folie, et retourne, au nom du diable, à tes affaires.
En prononçant ces mots le prince indien donna du plat de son épée un coup vigoureux sur les épaules du bonnetier, qui se retrouva sur ses pieds avec plus d’agilité qu’il n’en avait encore montré. Excité par les éclats de rire et le bruit moqueur qu’il entendait derrière lui, il arriva devant la maison de Smith sans s’être arrêté un seul instant, et avec la même rapidité qu’un renard poursuivi cherche sa tanière.
Après avoir frappé à la porte, le fabricant de bonnets pensa qu’il aurait dû réfléchir plus tôt à la manière dont il se présenterait devant Smith, et à celle qu’il devait employer pour lui communiquer l’indiscrétion qu’il avait commise. On ne répondit point à son premier appel, et peut-être au moment où toutes ces réflexions s’élevèrent dans son esprit effrayé, le bonnetier eût abandonné son dessein s’il n’eût entendu dans le lointain le bruit de la musique. Craignant de tomber une seconde fois entre les mains de ces masques brillans auxquels il venait d’échapper, il frappa une seconde fois, et il entendit aussitôt la voix forte et cependant agréable de Henry Gow, qui répondit de l’intérieur de la maison :
– Qui frappe aussi tard ? et que demande-t-on ?
– C’est moi, Olivier Proudfute, dit le bonnetier ; j’ai une bonne plaisanterie à te raconter, compère Henry.
– Va porter tes folies à un autre marché, répondit Smith ; je ne veux voir personne ce soir.
– Mais, compère, bon compère, je suis environné de coquins, et je demande un refuge sous ton toit.
– Sot que tu es, répliqua Henry, le plus lâche des coqs de basse-cour qui se sont battus pendant ces fêtes dédaignerait de mesurer ses forces contre une poule mouillée comme toi.
Dans ce moment un second bruit de musique se fit entendre. Il semblait approcher, et le fabricant de bonnets ne pouvant déguiser ses craintes, s’écria :
– Au nom de notre ancienne amitié, et pour l’amour de Notre-Dame, Henry, accordez-moi un asile, ou demain vous trouverez à votre porte mon cadavre mutilé par les sanguinaires Douglas.
– Ce serait une honte pour moi, pensa le bon Henry, et peut-être son péril est réel. Il y a des faucons qui s’abattraient plutôt sur un moineau que sur un héron. En faisant ces réflexions moitié haut, moitié bas, Henry ouvrit sa porte bien fermée, se proposant de reconnaître la réalité du danger avant de permettre au bonnetier d’entrer chez lui. Mais tandis qu’il regardait dans la rue, Olivier s’élança dans la maison comme un cerf effarouché s’élance dans un hallier, et il était déjà établi près de la cheminée avant que l’armurier qui regardait de tous côtés autour de lui pût se convaincre qu’il n’y avait aucun ennemi à la poursuite du fugitif. Il referma la porte et revint dans la cuisine, mécontent de ce que sa profonde solitude avait été troublée, et sa bonté trompée par des craintes aussi faciles à exciter que celles de son timide voisin.
– Qu’est-ce que cela signifie ? dit-il assez froidement lorsqu’il vit le bonnetier assis près de son foyer ; quelle, est cette farce de carnaval, maître Olivier ? je ne vois personne à votre poursuite.
– Donnez-moi à boire, compère, répondit Olivier ; je suis étouffé par la rapidité avec laquelle je suis venu ici.
– J’ai juré qu’il n’y aurait point d’orgie cette nuit dans ma maison. Je suis dans mes habits de travail, comme vous voyez. C’est pour moi un jour de jeûne, au lieu d’un jour de fête, et j’ai de bonnes raisons pour cela. Vous avez bu assez ce soir, car vous pouvez à peine parler ; si vous désirez encore du vin ou de l’ale, vous pouvez aller ailleurs.
– J’ai déjà assez fait bombance en effet, dit le pauvre Olivier, et je puis ajouter que j’ai été noyé dans la boisson. Cette maudite calebasse ! Une goutte d’eau, compère, c’est tout ce que je
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