La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
Jean ! je devrais pour te récompenser d’augmenter le trouble d’une famille, faire connaître à ta Madeleine ce que tu viens de dire.
À cette menace le bonnetier recula, comme si le trait d’une arbalète eût sifflé à ses oreilles au moment où il s’y attendait le moins. Il répondit d’une voix tremblante : – Bon père Simon, vous prenez trop de licence pour un homme à cheveux gris ; pensez donc, voisin, que vous êtes trop vieux pour vous mesurer avec un jeune guerrier comme moi. Quant à ce qui regarde Madeleine, je puis me fier à vous, car je ne connais personne qui soit moins capable de troubler la paix des familles.
– Que ta sottise ne se fie pas plus long-temps à moi dit le gantier hors de lui ; sors d’ici à l’instant même, ou j’emprunte pendant cinq minutes les forces de ma jeunesse pour te donner une leçon.
– Vous avez peut-être un peu bu en ce jour de fête, dit le bonnetier : je vous souhaite un sommeil tranquille ; nous serons meilleurs amis demain.
– Sors d’ici, je te le répète encore ! Je suis honteux qu’un être aussi nul que toi ait le pouvoir de me mettre en colère.
– Idiot ! imbécile ! mauvaise langue ! ajouta Glover en se jetant sur une chaise au moment où le bonnetier disparut. Est-il possible qu’un homme qui ne fait que des mensonges n’en ait point trouvé un lorsqu’il s’agissait de cacher la honte d’un ami ? Et moi,… moi, qui suis-je, puisque je souhaitais que la grossière injure que j’ai reçue ainsi que ma fille fût excusée ? Et cependant telle était mon opinion sur Henry que j’étais prêt à croire toutes les faussetés que cet âne aurait inventées. Mais il est inutile de s’en occuper davantage. Notre nom honorable résistera à toutes les injures qu’on pourra lui faire.
Tandis que le gantier moralisait ainsi sur la confirmation mal reçue du conte que jusqu’alors il n’avait osé croire, le danseur du ballet moresque avait le temps, en traversant les rues de Perth par une nuit froide et sombre du mois de février, de méditer sur les conséquences de la colère du gantier.
– Mais ce n’était rien, se disait-il en lui-même, comparée à celle de Henry du Wind qui avait tué un homme pour une moindre chose que celle de semer la brouille entre lui et Catherine.
– Certainement, ajoutait-il, j’aurais mieux fait de nier le tout ; mais j’ai été subjugué par l’idée de paraître moi-même un vert galant, comme en effet je le suis. J’aurais mieux fait d’aller finir la fête au Griffon ; mais Madeleine fera du tapage si je reviens trop tard. Cependant c’est le dernier jour du carnaval, et je puis demander un privilége. Il me vient une bonne idée : je n’irai point au Griffon, je vais me rendre chez l’armurier ; il doit être chez lui, puisque personne ne l’a vu aujourd’hui. Je tâcherai de faire ma paix avec lui, et je lui offrirai mon intercession auprès du gantier. Henry est un garçon simple et droit, et quoique je sois obligé de convenir qu’il vaut mieux que moi dans une émeute, dans une discussion je puis en faire ce que je veux. Les rues sont paisibles maintenant, la nuit est sombre, et je me cacherai facilement si je rencontre quelqu’un. Oui, je vais me rendre chez Smith, et si je le persuade je me moquerai du vieux Simon. Que saint Ringan me protége cette nuit, et j’avalerai plutôt ma langue que de me laisser exposer par elle à de nouveaux périls. Ce vieux fou-là, quand son sang était échauffé, ressemblait plutôt à un homme disposé à taillader des buffetins qu’à un découpeur de peau de chevreau.
En faisant toutes ces réflexions Olivier marchait vite, mais avec le moins de bruit possible, et se dirigeant vers le Wynd ou ruelle dans laquelle l’armurier, ainsi que nos lecteurs le savent déjà, avait sa demeure. Mais le malheur n’avait point encore cessé de le poursuivre. Comme il tournait dans la rue principale, il entendit un bruit de musique fort près de lui ; ce bruit fut suivi de bruyantes acclamations.
– Ce sont mes compagnons les danseurs moresques, pensa-t-il ; je reconnaîtrais le vieux joueur de violon Jérémie parmi cent autres. Je vais traverser la rue avant qu’ils ne passent : si je suis vu, on pourra croire que je suis à la recherche de quelque aventure, et cela fera honneur à ma bravoure.
Ce désir d’être distingué parmi les plus vaillans et les plus heureux en amour était combattu par quelques
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