La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
propre fils, je ne puis penser qu’il ait voulu nous offenser, et il y a sans doute moyen d’expliquer à son avantage la faute dont on l’accuse. On m’avait conseillé de m’adresser à Dwining qui a rencontré Smith tandis qu’il se promenait avec sa belle. Si je dois croire l’apothicaire, cette fille était la cousine de l’armurier. Vous savez que Dwining parle un langage avec ses yeux et un autre avec ses lèvres ; mais toi, Olivier, tu as trop peu de malice, je veux dire trop d’honnêteté pour altérer la vérité ; et comme Dwining ajoute que tu as aussi vu cette fille…
– Que je l’ai vue, Simon Glover ! Dwining dit-il que je l’ai vue ?
– Non pas précisément, mais il prétend que vous lui avez raconté que vous aviez rencontré Smith ainsi accompagné.
– Il ment, et je l’écraserai dans un mortier.
– Comment ! ne lui avez-vous jamais parlé de cette rencontre ?
– Quand même je l’aurais fait, n’avait-il pas juré qu’il ne répéterait à aucun être vivant ce que je lui avais communiqué ? Ainsi en vous racontant la chose il est donc devenu un menteur.
– Enfin vous n’avez point rencontré Henry Smith avec une fille perdue, comme on le rapporte ?
– Oh ! bon dieu, je n’en sais rien ; peut-être oui, peut-être non. Croyez-vous qu’un homme marié depuis quatre ans puisse se ressouvenir de la tournure du talon d’une chanteuse, du bout de son pied, de la bordure de son jupon, et d’autres bagatelles semblables ? Non ; je laisse cela au joyeux Henry.
– La conclusion de tout cela, dit Glover perdant patience, est que vous avez rencontré Smith se promenant publiquement dans les rues… ?
– Oh ! non, voisin ; je le rencontrai dans les allées les plus sombres et les plus détournées de la ville, se dirigeant droit vers sa maison avec armes et bagage, et les deux bras occupés comme il convient à un galant garçon, le petit chien soutenu par un et la fille par l’autre. À mon avis elle était fort jolie.
– Par saint Jean ! dit Glover, cette infamie ferait renoncer un chrétien à sa foi pour adorer Mahomet dans sa colère ! Mais il ne reverra plus ma fille ; j’aimerais mieux qu’elle partit pour les Highlands avec son chartreux à jambes nues que de lui voir épouser un homme qui oublie à ce point l’honneur et la décence. N’en parlons plus.
– Père Simon, dit l’indulgent bonnetier, vous ne savez plus ce que c’est que la jeunesse. Du reste leurs relations n’ont pas été de longue durée ; car pour dire la vérité, je les ai un peu surveillés : – j’ai rencontré Smith conduisant sa damoiselle errante aux escaliers de Notre-Dame afin qu’elle s’embarquât sur le Tay ; je sais encore, car je m’en suis informé, qu’elle s’est rendue à Dundee. Ainsi vous voyez que ce n’était qu’une folie de jeune homme.
– Et il vint ici, dit Simon avec amertume, rechercher l’affection de ma fille, tandis qu’une maîtresse l’attendait chez lui ! J’aimerais mieux qu’il eût tué une douzaine d’hommes, faute qui serait encore moindre à tes yeux, Olivier Proudfute ; car si tu n’es pas aussi brave que Smith, tu veux au moins le faire croire ; mais…
– Ne prenez pas la chose aussi sérieusement, dit Olivier qui commençait à réfléchir au tort que son bavardage pourrait faire à son ami et aux conséquences du mécontentement de Henry lorsqu’il apprendrait une indiscrétion faite plutôt par sottise que par mauvaise intention. – Considérez, ajouta-t-il, que c’est une folie qui tient à la jeunesse ; l’occasion est souvent la cause de ces péchés-là, et la confession effacera tout. Je vous avouerai, quoique ma femme soit aussi bonne qu’aucune autre dans la ville, que cependant moi-même…
– Paix, indigne fanfaron ! dit le gantier dans la plus violente colère, tes amours et tes batailles sont d’une égale fausseté. Si tu as besoin de mentir, ce qui, je crois, est dans ta nature, ne peux-tu au moins inventer quelque mensonge qui te fasse honneur ? Crois-tu que je ne voie pas dans ton cœur comme je pourrais voir à travers la corne d’une vile lanterne {70} ? Crois-tu que je ne sais pas, fileur de laine, que tu n’oserais pas plus passer l’entrée de ta propre porte si ta femme avait entendu ce dont tu viens de te vanter, que tu n’oserais croiser ton fer avec un enfant de douze ans qui tirerait le sien pour la première fois de sa vie ? Par saint
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