La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
plus rares. Tiens, vide toi-même le baril à ta volonté.
Olivier prit un second flacon, mais il but, ou du moins sembla boire très lentement, afin de gagner du temps et de réfléchir tout à son aise à la manière dont il devait s’y prendre pour entamer un second sujet de conversation qui lui paraissait une matière bien délicate : quand il songeait à l’humeur irritable de l’armurier. À la fin il ne trouva rien de mieux que d’aborder tout d’un coup la question.
– J’ai vu Simon Glover aujourd’hui, dit-il.
– Eh bien ! dit l’armurier d’une voix sombre et mélancolique, si tu l’as vu qu’est-ce que cela peut me faire ?
– Rien, rien, répondit le bonnetier en pâlissant. Seulement je pensais que vous seriez peut-être bien aise d’apprendre qu’il m’a demandé si je vous avais vu le jour de Saint-Valentin, après l’émeute qu’il y eut aux dominicains, et dans quelle compagnie vous étiez ?
– Je gagerais que vous lui avez répondu que vous m’avez rencontré avec une chanteuse dans la sombre allée qui est là-bas.
– Tu sais bien, Henry, que je n’ai point le don de mentir ; mais j’ai arrangé cette affaire avec lui.
– Et comment, je vous prie ?
– Eh, bon Dieu ! voici. Père Simon, ai-je dit, vous êtes un vieillard, et vous ne savez pas que dans les veines de la jeunesse le sang est comme du vif-argent. Vous pensez, j’en suis sûr, ai-je dit, qu’il se soucie de cette fille, et que maintenant il la tient cachée dans quelque coin de Perth ? Point du tout, ai-je dit ; je sais, et j’en ferais serment, qu’elle a quitté sa maison et qu’elle est partie pour Dundee le lendemain matin. Ah ! je t’ai joliment aidé dans cette circonstance critique.
– En vérité je le pense aussi, et si quelque chose peut ajouter à mon chagrin et à l’humeur que j’éprouve en ce moment, c’est de voir un âne comme toi placer son lourd sabot sur ma tête pour m’enfoncer plus profondément dans la vase, lorsque je n’étais qu’à demi noyé. Sors d’ici, et puisses-tu avoir le sort que ton bavardage mérite ! alors on te trouvera bientôt le cou tordu dans le premier ruisseau. – Sors, te dis-je, ou je te mets à la porte par les épaules.
– Ah ! ah ! s’écria Olivier en s’efforçant de rire, tu le prends ainsi. – Mais, compère Henry, accompagne-moi jusqu’à ma maison dans le Meal Vennal {72} cela te distraira.
– Malédiction sur toi, non !
– Je t’offrirai du vin en abondance si tu veux venir, dit Olivier.
– Je te donnerai des coups de bâton si tu restes, répondit Henry.
– Eh bien ! je pars ; je vais revêtir ton buffetin et ton casque d’acier ; marcher avec ton pas bruyant et siffler ton pibroch favori, « Les os cassés à Loncarty » ; si l’on me prend pour toi, quatre hommes réunis n’oseront m’approcher.
– Prends tout ce que tu voudras, au nom du diable ! mais débarrasse-moi de ta présence.
– Bien, bien, Henry, nous nous reverrons quand tu seras de meilleure humeur, dit Olivier en s’habillant.
– Pars, et puissé-je ne jamais revoir ton sot visage !
Olivier sortit enfin, imitant, aussi bien que cela lui était possible le pas hardi et le maintien ouvert de son redoutable compagnon, et sifflant un pibroch composé sur la déroute des Danois à Loncarty, qu’il avait appris parce que c’était un air favori de l’armurier, qu’il se faisait une règle d’imiter en tout. Mais lorsque l’honnête Olivier, assez bonhomme malgré sa vanité ridicule, quittait le Wynd pour entrer dans High-Street, il reçut un coup par derrière au défaut du casque, et tomba mort sur la place ; il essaya de murmurer le nom de Henry, auquel il s’adressait toujours pour obtenir protection, mais ce nom s’arrêta sur ses lèvres mourantes.
CHAPITRE XVII.
« Oh ! je vous en ferai voir long pour un jeune prince.
SHAKESPEARE. Henry IV, partie I.
Nous retournons maintenant à la bande joyeuse qui, une demi-heure auparavant, avait applaudi d’une manière si bruyante les exploits d’agilité qui devaient être les derniers du pauvre fabricant de bonnets, et dont les cris moqueurs avaient animé la course d’Olivier lorsqu’il se réfugia chez son ami. Après avoir ri à gorge déployée, les jeunes acteurs de cette scène continuèrent leur folle promenade, arrêtant et effrayant tous ceux qui se trouvaient sur leur chemin, mais il faut l’avouer, sans les injurier
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