La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
auraient pu se préparer au combat.
Il ne restait plus qu’à désigner la lice. On choisit la place des Fourreurs, grand emplacement voisin occupé par la corporation qui lui donnait son nom, et où l’on eut bientôt disposé pour les combattans un espace d’environ trente pieds de long sur vingt-cinq de large. Nobles, prêtres et vilains, tous s’y portèrent en foule, à l’exception du vieux roi qui, détestant ces scènes sanglantes, se retira dans son palais, et nomma pour présider au combat le comte d’Errol lord grand-connétable, à qui sa place en faisait un devoir particulier. Le duc d’Albany examinait attentivement tout ce qui se passait, mais en même temps avec beaucoup de circonspection ; son neveu regarda la scène avec l’irréflexion et l’imprudence qui caractérisaient toutes ses actions.
Lorsque les combattans parurent dans l’arène, rien n’eût pu offrir un contraste plus frappant que la physionomie mâle et ouverte de l’armurier dont l’œil étincelant semblait déjà briller de l’espoir de la victoire, et le regard morne et abattu de Bonthron qui avait l’air de quelque oiseau de nuit chassé de sa sombre retraite et forcé de paraître au grand jour, ne jurèrent l’un après l’autre que la cause qu’ils défendaient était juste, formalité que Henry Gow remplit avec une noble confiance, et Bonthron d’un air sombre mais résolu ; qui fit dire au duc de Rothsay qui était auprès du grand connétable :
– Examinez bien la figure de ce drôle ; avez-vous jamais vu, mon cher Errol, un pareil mélange de malignité, de cruauté et en même temps de crainte ?
– Il n’est pas beau, dit le comte, mais c’est un redoutable coquin, à ce que j’ai vu.
– Je gagerais un muid de vin contre vous, mon cher lord, qu’il aura le dessous. Henry l’armurier est aussi robuste que lui, et il est bien plus leste ; et puis regardez son air d’assurance. Il y a dans la figure de l’autre drôle quelque chose qui répugne et qui révolte. Donnez vite le signal, mon cher connétable, car en vérité il fait mal à voir.
Le grand-connétable s’adressa alors à la veuve, qui, en grand deuil et ayant toujours ses enfans à côté d’elle, occupait un siége dans l’enceinte de la lice. – Femme, acceptez-vous cet homme, Henry l’armurier, pour votre champion dans cette affaire ?
– Oui, je l’accepte, je l’accepte avec le plus grand plaisir, répondit Madeleine Proudfute ; et puisse la bénédiction du ciel et de saint Jean lui donner aide et protection, puisqu’il combat pour la veuve et pour les orphelins !
– Je déclare donc que ceci est un champ clos, dit le connétable à haute voix. Que personne, sous peine de mort, ne se permette d’interrompre ce combat par parole, par signal ou par regard. – Sonnez, trompettes ; champions, combattez !
Les trompettes retentirent, et les combattans s’avançant des deux extrémités de la carrière d’un pas ferme et égal, se regardèrent attentivement, habiles à juger d’après le mouvement de l’œil la direction dans laquelle le premier coup allait être porté. Ils s’arrêtèrent en face à portée l’un de l’autre, et ils firent tour à tour plus d’une feinte, chacun pour éprouver l’activité et la vigilance de son antagoniste. À la fin, soit qu’il fût las de ses manœuvres, où soit qu’il craignit qu’en continuant de la sorte il ne perdit l’avantage que lui donnait sa force gigantesque et qu’il ne fût harcelé avec succès par l’armurier plus agile, Bonthron leva sa hache redoutable, et pesant sur son arme de toute la force de ses bras vigoureux, il voulut en décharger un coup terrible sur la tête de son adversaire ; mais celui-ci l’esquiva en se jetant de côté ; car il eût fait de vains efforts pour chercher à le parer. Avant que Bonthron pût se remettre sur ses gardes, Henry lui asséna à travers son casque un coup qui l’étendit à terre.
– Avoue ton crime ou meurs, dit le vainqueur en posant le pied sur le corps de son adversaire, et en lui mettant sur la gorge la pointe de la hache qui formait une sorte de poignard.
– J’avouerai tout, dit l’assassin en jetant un regard sauvage vers le ciel ; laisse-moi relever.
– Quand tu te seras rendu, dit Henry Smith.
– Je me rends, murmura de nouveau Bonthron, et Henry proclama à haute voix que son antagoniste était vaincu.
Les ducs de Rothsay et d’Albany, le grand-connétable et
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