La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
le prieur du couvent des dominicains entrèrent alors dans la lice, et s’adressant à Bonthron, ils lui demandèrent s’il s’avouait vaincu.
– Oui, répondit le mécréant.
– Et coupable du meurtre d’Olivier Proudfute ?
– Je le suis, mais je l’ai pris pour un autre.
– Et qui donc croyais-tu frapper ? demanda le prieur. Parle, mon fils, et par un aveu sincère mérite un pardon dans un autre monde, car tu n’as pas grand chose à attendre de celui-ci.
– Je croyais, répondit Bonthron, frapper celui dont la main vient de me renverser, dont le pied presse à présent ma poitrine.
– Bénis soient les saints ! dit le prieur ; à présent tous ceux qui douteraient encore de la vertu de cette épreuve sacrée peuvent reconnaître leur erreur. Il est pris lui-même dans le piége qu’il avait tendu à l’innocent.
– C’est à peine si je connais cet homme, dit l’armurier ; jamais je ne lui fait aucun mal, ni à lui ni aux siens. Votre révérence voudrait-elle bien lui demander pourquoi il aurait eu l’idée de m’assassiner lâchement ?
– C’est une question convenable, répondit le prieur. Rendez gloire à qui elle est due, mon fils, quand même ce devrait être à votre honte. Pour quelle raison vouliez-vous tuer cet armurier, qui dit qu’il ne vous a jamais fait aucun mal ?
– Il en avait fait à celui que je servais, répondit Bonthron, et ce fut par son ordre que je méditai ce coup.
– Par l’ordre de qui ? demanda le prieur.
Bonthron garda un moment le silence, puis il dit : – Il est trop puissant pour que je puisse le nommer.
– Écoutez, mon fils, dit le prêtre : encore quelques instans, et les grands comme les petits de la terre ne seront pour vous que de vaines ombres. On prépare dans ce moment même la charrette qui doit vous conduire au lieu de l’exécution. Encore une fois, mon fils, je vous conjure d’avoir égard au salut de votre âme en glorifiant le ciel et en disant la vérité. Est-ce votre maître, sir John Ramorny, qui vous a poussé à une action aussi infâme ?
– Non, répondit l’assassin toujours étendu contre terre, c’était un plus puissant que lui ; et en même temps il montra du doigt le prince.
– Misérable ! dit le duc de Rothsay étonné, osez-vous faire entendre que je fus votre instigateur ?
– Vous-même, milord, répondit le traître sans se déconcerter.
– Meurs dans ton imposture, vil esclave ! s’écria le prince ; et tirant son épée, il en aurait percé le calomniateur, si le lord grand-connétable n’eût interposé son autorité.
– Votre Grâce voudra bien m’excuser si je remplis mon devoir. Il faut que ce malheureux soit remis entre les mains du bourreau. Il n’est pas digne de périr de la main d’un autre, encore moins de celle de Votre Altesse.
– Eh quoi ! noble comte, dit Albany à haute voix et avec une émotion véritable ou affectée, voulez-vous que ce scélérat aille remplir les oreilles du peuple de fausses accusations contre le prince d’Écosse ? Qu’il soit mis en mille pièces sur la place !
– Votre Altesse me pardonnera, dit, le comte d’Errol ; mais il faut que la sentence soit exécutée.
– Eh bien donc ! qu’il soit bâillonné à l’instant même, dit Albany. – Et vous, mon royal neveu, pourquoi rester ainsi pétrifié d’étonnement ?… Rappelez votre courage… Parlez au prisonnier… Jurez, protestez par tout ce qu’il y a de sacré, que vous n’aviez aucune connaissance de cet acte de félonie… Voyez comme on se regarde, comme on chuchote autour de nous… Je gagerais ma vie que cette imposture se répandra plus vite que si c’était une vérité de l’Évangile… Parlez-leur, mon royal parent ; peu importe ce que vous direz, pourvu que vous répondiez par un démenti formel.
– Comment, monsieur ! dit Rothsay en sortant tout à coup de sa stupeur, et en se retournant fièrement vers son oncle, voudriez-vous que j’engageasse ma parole royale contre celle de cet être abject ? Que ceux qui peuvent croire le fils de leur souverain, le descendant de Bruce, capable de dresser une embûche contre les jours d’un pauvre artisan, jouissent du plaisir de se figurer que ce scélérat dit la vérité.
– Ce ne sera pas moi du moins, dit l’armurier avec assurance. Je n’ai jamais rien fait à Sa Grâce le duc de Rothsay ; jamais il n’a manifesté aucune aigreur contre moi, ni en paroles, ni par regard,
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