La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
victoire ?
– Franchement, milord prévôt, je crois que le clan de Chattan sera battu. Ces neuf enfans de la forêt ne font guère que le tiers de la troupe d’élite qui entoure le chef du clan de Quhele, et ce sont de redoutables champions.
– Et votre apprenti, croyez-vous qu’il se comportera bien ?
– Il est chaud comme le feu, sir Patrice, mais il n’a pas plus de solidité que l’eau. Cependant si la vie lui est laissée, ce sera un jour un homme brave.
– Mais quant à présent, son cœur nage encore dans le lait de la biche blanche ; n’est-il pas vrai, Simon ?
– Il lui manque de l’expérience, milord, et je n’ai pas besoin de dire à un honorable guerrier tel que vous qu’il faut qu’on se soit familiarisé avec le danger avant de pouvoir l’accueillir comme une maîtresse.
Cette conversation les conduisit jusqu’au château de Kinfauns, où après qu’ils eurent pris quelques rafraîchissemens il était nécessaire que le père et la fille se séparassent pour chercher chacun de leur côté leur lieu de refuge. Ce fut alors que Catherine, voyant que les inquiétudes de son père pour elle avaient effacé de son esprit tout souvenir de son ami, laissa échapper comme dans un songe le nom de Henry Gow.
– C’est vrai, c’est vrai, s’écria son père, il faut l’informer de nos projets.
– Laissez-moi ce soin, dit sir Patrice. Je ne me fierai pas à un messager ; je ne lui enverrai pas une lettre, parce que quand je pourrais l’écrire il ne serait pas en état de la lire. Il aura quelque inquiétude en attendant, mais demain matin de bonne heure j’irai moi-même à Perth, et je lui apprendrai quels sont vos desseins.
Vint enfin le moment de la séparation ; il était cruel, mais il fut adouci plus qu’on n’aurait pu l’espérer par le caractère mâle du vieux gantier et par la pieuse résignation de Catherine à la volonté de la Providence. Le bon chevalier pressa le départ du bourgeois, mais de la manière la plus affectueuse ; il alla même jusqu’à lui offrir de lui prêter quelques pièces d’or, ce qui dans un temps où les espèces étaient si rares pouvait être regardé comme le nec plus ultra de l’affection. Glover le remercia en l’assurant qu’il en était amplement pourvu, et se mit en route en se dirigeant vers le nord-ouest. La protection hospitalière de sir Patrice Charteris ne se manifesta pas moins à l’égard de la Jolie Fille de Perth. Elle fut confiée aux soins d’une duègne qui avait la surintendance de la maison du chevalier, et elle fut obligée de passer plusieurs jours à Kinfauns, attendu les obstacles et les délais d’un batelier du Tay nommé Kitt Henshaw qui devait être chargé de la conduire, et en qui le prévôt avait une grande confiance.
Ainsi se séparèrent le père et la fille, dans un moment difficile et très dangereux, et dont le péril était encore augmenté par des circonstances qu’ils ne connaissaient pas alors et qui semblaient diminuer considérablement les chances de sûreté qui leur restaient.
CHAPITRE XXVII.
« Austin le fit. – Le fit-il ? sur ma foi,
« Austin peut donc le faire aussi pour moi. »
POPE.
Nous ne pouvons mieux suivre le cours de notre histoire qu’en accompagnant Simon Glover. Notre dessein n’est pas d’indiquer exactement les limites qui séparaient les deux clans ennemis, d’autant plus qu’elles n’ont pas été très clairement désignées par les historiens qui nous ont transmis les détails de cette mémorable guerre intestine. Il nous suffira de dire que le territoire du clan de Chattan s’étendait fort loin et comprenait le Caithness et le Sutherland, et qu’il avait pour principal chef le puissant comte qui portait le nom de ce dernier comté et qu’on appelait pour cette raison Mohr ar Chat. Dans ce sens général, les Keith, les Sinclair, les Gun et d’autres familles possédant un grand pouvoir, étaient de la confédération. Mais elles n’étaient point parties dans la querelle dont il s’agit, qui regardait spécialement le clan de Chattan établi dans les montagnes nord-est de Perth et d’Inverness. On sait que deux clans nombreux qui faisaient incontestablement partie du clan de Chattan, les Mac Pherson et les Mac Intosh, se disputent encore sur la question de savoir lequel de leurs chefs respectifs était à la tête de la branche de Badenoch de cette grande confédération, et tous deux dans des temps plus
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