La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
déjà été son hôte, et de qui il avait plusieurs fois acheté des peaux et des fourrures, que le vieux Glover espérait apprendre quel était l’état actuel du pays, si l’on devait s’attendre à la paix, ou à la guerre, et quelles étaient les meilleures mesures pour pourvoir à sa sûreté personnelle. On doit se rappeler que la nouvelle de la signature des conditions du combat qui devait décider la querelle par un moindre nombre de combattans n’avait été communiquée au roi Robert que la veille du jour où Glover était parti de Perth, et elle ne se répandit dans le public que quelque temps après.
– Si Niel Bonshalloch a quitté sa demeure comme les autres, pensa Glover, je me trouverai dans de beaux draps, puisque j’ai besoin non-seulement de ses bons avis, mais de son crédit près de Gilchrist Mac Ian, et qu’il me faut en outre un lit et un souper.
Tout en faisant ces réflexions il arrivait sur le sommet d’une montagne couverte de verdure ; d’où s’offrit à lui la perspective magnifique du lac de Tay, semblable à un immense plateau d’argent poli, entouré de montagnes noires ornées de bruyères et de chênes alors dépouillés de leurs feuilles, formant en quelque sème le cadre arabesque d’un magnifique miroir.
Peu sensible en tout temps aux beautés de la nature, Simon Glover l’était encore moins en ce moment, et la seule partie de ce superbe paysage qui attira ses regards fut l’angle d’une prairie, d’où le Tay sortant avec dignité du lac dans lequel il prend naissance, serpente dans une belle vallée d’environ un mille de largeur, et dirige ensuite sa course vers le sud-est, comme un conquérant et un législateur, pour subjuguer et enrichir des contrées lointaines. En ce lieu si magnifiquement situé entre un lac, le fleuve et une montagne, s’élevait le château féodal de Ballough, qui a été remplacé de notre temps par le palais splendide du comte de Breadalbane.
Mais les Campbell, quoiqu’ils eussent déjà atteint un grand pouvoir dans le comté d’Argyle, ne s’étaient pas encore étendus vers l’est jusqu’au lac de Tay, dont les bords, de droit ou de fait, étaient occupés par le clan de Quhele, qui paissaient leurs troupeaux d’élite sur ses rives. C’était donc dans cette vallée, entre le fleuve et le lac, au milieu des grandes forêts de chênes, de bouleaux, de coudriers et de sorbiers, qu’était située l’humble chaumière de l’Eumée montagnard Niel Booshalloch, des cheminées hospitalières de laquelle Simon Glover vit sortir une colonne épaisse de fumée, à sa grande satisfaction, car il craignait d’avoir le désagrément d’être obligé de passer la nuit en plein air.
Il arriva à la porte de la chaumière, siffla, cria, et fit ainsi connaître son arrivée. Des chiens de bergers et des chiens de chasse lui répondirent en aboyant, et leur maître ne tarda pas à se présenter lui-même. Il avait le front soucieux, et il sembla surpris de voir Simon Glover, en dépit des efforts qu’il faisait pour cacher son étonnement ; car rien n’est regardé comme plus incivil en ce pays que de laisser échapper un regard ou un geste qui puisse faire croire à l’hôte qui arrive que sa visite est un incident désagréable ou même inattendu. Le cheval du voyageur fut mené dans une écurie dont la porte était presque trop basse pour qu’il y pût entrer, et Glover lui-même fut introduit dans la maison de Booshalloch, qui suivant la coutume du pays plaça devant le voyageur du pain et du fromage, en attendant qu’on lui préparât une nourriture plus substantielle. Simon, qui connaissait parfaitement les mœurs et les habitudes des montagnards, n’eut pas l’air de s’apercevoir des marques évidentes de tristesse de son hôte ainsi que de celle des membres de sa famille, et après avoir pris pour la forme une bouchée de pain, il demanda en termes généraux : – Quelles nouvelles dans le pays ?
– D’aussi mauvaises qu’on ait jamais pu en apprendre, répondit Niel ; notre père n’existe plus.
– Comment ! s’écria Simon fort alarmé ; le chef du clan de Quhele est mort ?
– Le chef du clan de Quhele ne meurt jamais, dit Booshalloch, mais Gilchrist Mac Ian est mort il y a vingt heures, et c’est maintenant son fils Eachin Mac Ian qui est notre chef.
– Quoi ! Eachin : c’est-à-dire Conachar, mon apprenti !
– Parlez de cela le moins que vous pourrez, frère Simon. Il est
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