La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
votre jeune chef, comme vers un homme qui a trouvé un lieu de refuge chez moi quand il était dans la détresse ; qui a mangé de mon pain et bu dans ma coupe. Je lui demande un asile, et j’espère que je n’en aurai pas besoin bien long-temps.
– Le cas est bien différent, si différent que si vous arriviez à minuit à la porte de Mac Ian, ayant en main la tête du roi d’Écosse et mille hommes à votre poursuite pour tirer vengeance de sa mort, je ne crois pas que son honneur lui permit de vous refuser sa protection. Quant à la question de savoir si vous êtes innocent ou coupable, cela ne change rien à l’affaire ; ou pour mieux dire, si vous étiez coupable, il n’en serait que plus obligé à vous accorder un asile, puisqu’en ce cas vous n’en seriez qu’en plus grand danger. Mais il faut que j’aille le trouver sur-le-champ, de peur que quelque langue trop empressée ne lui apprenne votre arrivée sans lui en faire connaître la cause.
– Je suis fâché de vous donner ce souci ; – mais où est le chef en ce moment ?
– À environ dix milles d’ici, occupé des affaires des funérailles et des apprêts du combat, songeant à placer le mort dans la tombe et à préparer les vivans à se battre.
– C’est bien loin ; vous faudra toute la nuit pour y aller et en revenir ; je suis sûr que Conachar, quand il saura que c’est moi qui…
– Oubliez Conachar, dit le garde des bestiaux en plaçant un doigt sur ses lèvres. Quant aux dix milles, ce n’est qu’un saut pour un montagnard qui porte un message à son chef de la part d’un ami.
À ces mots et après avoir recommandé le voyageur aux soins de son fils aîné et de sa fille, l’actif Niel Booshalloch partit de sa maison deux heures avant minuit, et il y était de retour long-temps avant le lever du soleil ; il ne voulut pas troubler le repos de son hôte fatigué ; mais dès qu’il le vit levé, il l’informa que les funérailles du feu chef devaient avoir lieu dans la matinée, et que quoique Eachin Mac Ian ne pût inviter un Saxon à une cérémonie funèbre, il le verrait avec plaisir au festin qui devait la suivre.
– Il faut se conformer à sa volonté, dit le gantier, souriant à demi du changement qui venait de s’opérer dans les relations entre lui et son ci-devant apprenti ; il est le maître aujourd’hui ; mais j’espère qu’il se souviendra que dans le temps je n’ai usé de mon autorité qu’avec modération.
– Tout bas, l’ami, tout bas, s’écria Booshalloch ; moins vous parlerez de cela, et mieux vaudra. Vous vous trouverez bien accueilli par Eachin ; du diable si quelqu’un ose vous inquiéter sur ses domaines – Mais adieu, car il convient que j’aille aux funérailles du meilleur chef que le clan ait jamais eu, du plus vaillant capitaine qui ait jamais placé sur sa toque une branche de myrte sauvage. Adieu donc jusqu’au revoir ; et si vous voulez monter sur le haut du Tom-an-Lonach, derrière la maison, vous verrez un beau spectacle, et vous entendrez un coronacht {87} dont le bruit arrivera jusqu’au sommet du Ben Lawers. Dans trois heures une barque vous attendra dans une petite crique du lac, à un demi-mille du Tay, du côté de l’ouest.
À ces mots il partit, suivi de ses trois fils qui, devaient conduire à la rame la barque sur laquelle il allait joindre le cortége funéraire, et de ses deux filles dont les voix étaient indispensables pour compléter le chœur des chants funèbres, ou plutôt de cris lamentables qui étaient d’usage dans les occasions de deuil général.
Simon Glover se trouvant seul, entra dans l’écurie pour voir si rien ne manquait à son cheval. Il vit qu’on lui avait donné une ration de graddan , ou de pain fait avec de l’orge brûlée. Il fut sensible à cette attention, car il savait que la famille en avait peu de reste pour elle-même. La chair des animaux ne manquait pas à ses hôtes ; le lac leur fournissait du poisson en abondance pour le carême qu’ils n’observaient pas strictement ; mais le pain était une friandise très rare chez les montagnards. Les marécages produisaient une espèce de foin qui certainement n’était pas la meilleure possible, mais les chevaux écossais de même que leurs cavaliers étaient alors habitués à une nourriture peu recherchée. Gantelet – car tel était le nom du palefroi de Glover, avait pour litière de la fougère sèche, et au total, ne manquait de rien de ce que
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