La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
il est mon Valentin.
– Votre Valentin, mon enfant ! et comment votre prudence et votre modestie naturelles, jointes à la délicatesse de votre sexe, ont-elles pu supporter de telles relations avec un homme semblable à cet armurier ? Croyez-vous que saint Valentin qui était un homme pieux, un évêque chrétien, inventa jamais une coutume aussi légère, aussi inconvenante ? Elle prit plutôt son origine dans le culte que les païens rendaient à Flore et à Vénus, lorsque les mortels déifiaient leurs passions et s’étudiaient à les exciter plutôt qu’à leur imposer un frein.
– Mon père, dit Catherine d’un ton plus mécontent que celui qu’elle avait l’habitude de prendre en parlant au chartreux, je ne comprends pas pourquoi vous me reprochez aussi sévèrement de me soumettre à un usage général autorisé par l’habitude et sanctionné par l’approbation de mon père ; je ne puis qu’éprouver de la peine de ce que vous interprétez si mal mes plus simples actions.
– Pardonnez-moi, ma fille, reprit le religieux avec douceur, si je vous ai offensée. Mais cet Henry Smith est un homme hardi, licencieux, auquel vous ne pouvez, accorder aucune intimité sans vous exposer à voir interpréter votre conduite d’une manière plus cruelle encore, à moins cependant que votre dessein ne soit de l’épouser, et cela le plus tôt possible.
– N’en parlez plus, mon père, dit Catherine ; vous me faites plus de mal que vous ne pensez m’en faire, et peut-être me laisserais-je aller à vous répondre d’une manière qui ne me convient pas. J’ai déjà trop de sujet de me repentir de m’être soumise à un usage si frivole. En tout cas croyez que Henry Smith ne m’est rien, et que même l’intimité qui était résultée de la fête de Saint-Valentin ne peut plus avoir de suites.
– Je suis heureux de vous entendre parler ainsi, ma fille, et je dois maintenant, traiter un autre sujet qui me cause encore plus d’inquiétudes à votre égard. Vous ne pouvez pas l’ignorer, mais je souhaiterais qu’il ne fût pas nécessaire de parler d’une chose si dangereuse, même entourés comme nous le sommes de ces rochers, de ces collines et de ces pierres. – Mais il faut que cela soit. – Catherine, vous avez un amant du plus haut rang parmi les fils des plus illustres familles d’Écosse.
– Je le sais, mon père, répondit Catherine avec tranquillité, et je souhaiterais que cela ne fût pas.
– Je le voudrais aussi si je voyais seulement dans Catherine un enfant de la folie comme le sont la plupart des jeunes femmes à son âge, surtout lorsqu’elles possèdent le don fatal de la beauté ; mais puisque tes charmes, pour parler le langage d’un monde frivole, ont captivé un amant d’un tel rang, tes vertus et ta sagesse conserveront sur l’esprit du prince l’influence acquise par ta beauté.
– Mon père, reprit Catherine, le prince est un amant dont l’amour ne tend qu’à ma perte. Vous étiez effrayé dans l’instant de l’imprudence avec laquelle j’avais accepté les soins d’un homme dont le rang est égal au mien, et vous parlez maintenant avec complaisance de la scandaleuse affection que l’héritier de la couronne d’Écosse ose déclarer pour moi ; vous savez qu’il y a deux nuits, escorté des compagnons de ses débauches, il m’eût enlevée de la maison de mon père si je n’avais point été sauvée par ce hardi Henry Smith qui, s’il est trop prompt à affronter le danger dans la plus légère occasion, est toujours prêt à exposer sa vie pour secourir l’innocence ou résister à l’oppression. Il est de mon devoir de lui rendre cette justice.
– Je dois le savoir en effet puisque c’est ma voix qui l’appela à votre secours. J’avais vu en passant près de votre porte ceux qui voulaient attaquer votre maison, et je me hâtais d’aller chercher l’assistance du pouvoir civil lorsque, j’aperçus un homme qui venait lentement devant moi. Craignant que ce ne fût quelqu’un placé en embuscade, je me cachai derrière un des piliers de la chapelle de Saint-Jean, et regardant avec plus d’attention, je reconnus Henry Smith. Il me fut facile de deviner où il allait ; je l’appelai, je lui appris ce que j’avais vu, d’une manière qui lui fit doubler le pas.
– Je vous en suis reconnaissante, mon père ; mais toutes ces choses et le langage du duc de Rothsay lorsqu’il s’adressa à moi montrent que le prince
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