La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
prétends m’en imposer par une fausse équivoque, dit le roi en présentant une bague au prince. Regarde le cachet de Ramorny, perdu dans cette infâme querelle. Il tomba dans les mains d’un des gens de Douglas et fut remis à mon frère par le comte. N’intercède point, pour Ramorny, c’est un homme mort. Fuis de ma présence et repens-toi d’avoir osé, dans ta vicieuse assurance, affronter la colère d’un roi avec un mensonge sur tes lèvres. Honte à vous, Robin ! honte ! Comme fils, vous avez trompé votre père ; comme chevalier, vous avez menti au chef de votre ordre.
Le prince était muet devant le roi, la conscience troublée, et convaincu qu’il avait eu tort. Il donna carrière alors aux sentimens honorables qui étaient toujours au fond de son cœur, et se jeta aux pieds de son père.
– Le chevalier qui s’est permis un mensonge, dit-il, mérite d’être dégradé ; le sujet déloyal mérite la mort. Mais permettez à un fils de supplier son père d’accorder le pardon d’un serviteur qui ne l’a point conduit dans le mal, mais qui s’y est plongé lui-même avec répugnance, pour obéir aux ordres de son maître. Laissez-moi porter tout le poids de la juste punition de mes folies, mais épargnez ceux qui en ont été les instrumens plutôt que les complices. Souvenez-vous que ce fut ma sainte Mère qui plaça elle-même Ramorny à mon service.
– Ne la nommez pas, Robin, je vous le défends, dit le roi ; elle est heureuse de ne point avoir vu le fils de son amour déshonoré par ses vices et coupable de mensonge.
– Je suis en effet indigne de la nommer, répondit le prince ; cependant, mon cher père ; c’est en son nom que je demande la grâce de Ramorny.
– Si je puis offrir mes conseils, dit le duc d’Albany qui s’apercevait qu’une réconciliation aurait bientôt lieu entre le père et le fils, je conseillerais que Ramorny fût congédié de la maison du prince et de sa société, avec la punition que son imprudence mérite. Le public sera satisfait de sa disgrace, et l’affaire s’arrangera facilement si Son Altesse n’essaie point de dérober son serviteur à la justice.
– Consentez-vous ; Robin, dit le roi d’une voix tremblante et les yeux remplis de larmes, à chasser cet homme dangereux ? y consentez-vous pour moi, qui vous sacrifierais ma vie avec joie ?
– Je le ferai, mon père ; je vais le faire à l’instant, répondit le prince ; et saisissant la plume il écrivit le congé de Ramorny et le remit entre les mains du duc d’Albany. Je voudrais pouvoir remplir tous vos désirs aussi facilement, mon père, ajouta le prince, et il se jeta une seconde fois aux pieds du roi, qui le releva aussitôt et le serra dans ses bras avec tendresse.
Albany contemplait cette scène d’un air sombre, et gardait le silence ; quelques minutes s’écoulèrent ainsi, et il dit : – Ce différent s’étant si heureusement terminé, qu’il me soit permis de demander à Sa Majesté si elle assistera aux complies dans la chapelle.
– Certainement, dit le roi ; n’ai-je pas des remerciemens à adresser à Dieu qui a rétabli l’union dans ma famille ? Vous viendrez avec nous, mon frère.
– Si Votre Grâce m’accorde la permission de m’absenter, répondit le duc, je vais aller me concerter avec Douglas et quelques autres seigneurs sur la meilleure manière d’attirer ces vautours de montagnards dans notre piége.
Albany quitta l’appartement pour songer à ses ambitieux projets, tandis que le roi et son fils assistèrent au service divin et remercièrent Dieu de leur heureuse réconciliation.
CHAPITRE XIV.
Dans un des premiers chapitres nous nous sommes trouvés près du confessionnal du roi d’Écosse. Maintenant nous allons reproduire devant nos lecteurs une situation à peu près semblable, quoique le lieu de la scène et les personnages soient entièrement différens. Au lieu de l’appartement simple et gothique d’un monastère, nous avons devant les yeux un des plus beaux points de vue de l’Écosse, s’étendant au-dessous de la montagne de Kinnoul. Au pied d’un roc qui commandait cette perspective dans chaque direction, la Jolie Fille de Perth était assise, écoutant avec une dévote attention les instructions d’un moine chartreux, couvert de sa robe blanche et de son scapulaire. Il venait de terminer un discours auquel il ajoutait une prière, et sa prosélyte se joignait dévotement à lui.
Quand leurs
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