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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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exception. On entre tout entier dans les diableries dès l’instant qu’on accepte un seul de ces poisons.
    – Quoi, la liberté pour tous et jusqu’aux plus humbles?… L'égalité entre les hommes quelle que soit la naissance?
    – Ce sont là deux parmi les plus affreuses, madame la marquise.
    – Qui vous l’a dit?
    – Le prêtre.
    – Si bien que, s’il ne les veut libres, votre Dieu veut les hommes enchaînés?… Un Dieu qui accepte que certains se vautrent dans le luxe quand des enfants sont trouvés morts de froid?… Il est ainsi, votre Dieu?
    – Dieu est Dieu!… s’entêta Bienvenu.
    – S'il accepte tout cela avec résignation, c’est un lâche. S'il le veut, c’est une brute. Et s’il ne peut rien faire, à quoi sert-il?
    Elle s’abîma dans ses pensées. Un Dieu!… Il n’avait certes pas attesté son existence tout au long de ces années de malchance. En 1784, Joachim bravant l’interdit royal et venant jusqu’à l’île d’Aix avec La Terpsichore pour la rencontrer mais au dernier instant, le pêcheur qui la devait mener prenant peur… En 1786, Joachim arrivant à Rochefort pour un autre rendez-vous et cette fois déguisé en simple sous-officier de la marine royale mais, reconnu par un délateur, obligé de fuir le sabre à la main et ne regagnant sa frégate l’attendant au large que grâce à de multiples complicités à l’amirauté… En 1787, plus aucune lettre et chacun, d’un bout à l’autre de l’Atlantique, de se croire oublié jusqu’à ce que voici un mois, M. Gréville découvre que le messager s’était vendu au roi, détruisant les courriers. Gréville parvint à informer le prince et la marquise qui ne purent rétablir la liaison en raison de l’enlèvement de la jeune femme à l’initiative de Blacfort, monstre surgi du passé…
    Si bien que ni l’un ni l’autre ne savait à quoi s’en tenir sur les sentiments actuels de l’autre.
    Voilà pourquoi il ne fallait parler à la marquise ni de Dieu, ni de chance.

6
    Dans la nuit éclairée par les incendies des maisons de républicains, le général-comte de Blacfort respira avec plaisir ce parfum de destruction.
    Les flammes projetaient des lueurs fugitives sur son inquiétant visage.
    Il s’assura que sa garde personnelle l’attendait, soumise et dévouée mais très avide de ses largesses et friande des jeux cruels auxquels il la conviait lors de la répression contre les républicains.
    Ils étaient neuf, comme les neuf cercles de l’enfer de Dante. Tous portaient la tenue des soldats-paysans vendéens, il n’y manquait rien, ni cocarde blanche, ni Sacré-Cœur, ni scapulaire brodé en rouge. Et pourtant, ils n’avaient aucun rapport avec la Vendée, tous venant de Paris d’où ils avaient préféré s’éloigner assez précipitamment, fuyant la Révolution dès lors que celle-ci, se radicalisant, opta pour la vertu et les idées philosophiques si éloignées du fumier sur lequel, jusqu’ici, avait prospéré leur infâme commerce.
    Certains avaient été bandits dès leur naissance, ou peu s’en faut. D’autres avaient exercé bien des métiers: crocheteurs, forts des Halles, hommes de peine, portefaix, crieurs de vin, porteurs d’eau ou de chaises, ramoneurs, décrotteurs, cireurs de bottes. L'un fut même imagier pour vitraux. Puis le crime leur apparut plus lucratif que le travail. Ils dirent adieu à leurs pratiques et à leurs amis colporteurs, marchands de loterie, marchants ambulants, marchands d’onguent, arracheurs de dents et autres charlatans, petit gibier de police.
    Dès lors, ils devinrent tire-laine, coupeurs de bourse ou maquereaux et montèrent une à une les marches menant à l’irréversible.
    Ces sept-là avaient noms Angevin la Blouse, Chapeau-ciré, Gros-beauceron, Pétion dit «Trempe-la-croûte», Simon dit «la Douceur», Germain dit «Gros-Blond» et Lefèvre dit «Va-de-bon-cœur».
    Les deux autres, souvent habillés en hommes, étaient des femmes.
    La plus âgée, Marie Trois Tours dite «la Grêlée», avait exercé de nombreux métiers. En effet, on la vit tour à tour fripière des quais, raccommodeuse de chapeaux, mercière ambulante puis regrattière, celles qui revendent au détail sur la chaussée toutes sortes de choses récupérées. La Grêlée, elle, fut «graillonneuse», écoulant les restes des traiteurs. Puis, par la prostitution, elle vint au crime.
    L'autre femme, «Marie Toute Troussée», était jeune et jolie. Elle travaillait au pavillon

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