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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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dame, puisque tu n’as d’autre souci
que de viande cuite.
    – Et fraîche pareillement, comme était ma femme, dit Lamme.
    La coquassière devint maussade à ce propos. Toutefois ils
mangèrent à grand planté et burent à tire-larigot. Et la dame donna
encore cette nuit à souper à Ulenspiegel, et ainsi le lendemain et
les jours suivants.
    Les ânes avaient double picotin et Lamme double ration. Pendant
une semaine, il ne quitta point la cuisine, et il jouait avec les
plats, mais non avec la cuisinière, car il songeait à sa femme.
    Cela fâcha la fillette, laquelle disait qu’il ne valait pas la
peine d’encombrer le pauvre monde pour ne songer qu’à son
ventre.
    Dans l’entretemps, Ulenspiegel et la dame vivaient amicalement.
Et elle lui dit un jour
    – Thyl, tu n’as point de mœurs : qui es-tu ?
    – Je suis, dit-il, un fils qu’Heureux Hasard eut un jour avec
Bonne Aventure.
    – Tu ne médis point de toi, dit-elle.
    – C’est de peur que les autres ne me louent, répondit
Ulenspiegel.
    – Prendrais-tu la défense de tes frères qu’on
persécute ?
    – Les cendres de Claes battent sur ma poitrine, répondit
Ulenspiegel.
    – Comme te voilà beau, dit-elle. Qui est ce Claes ?
    Ulenspiegel répondit :
    – Mon père, brûlé pour la foi.
    – Le comte de Meghem ne te ressemble point, dit-elle ; il
veut faire saigner la patrie que j’aime, car je suis née à Anvers,
la gracieuse ville. Sache donc qu’il s’est entendu avec le
conseiller de Brabant, Scheyf, pour faire entrer à Anvers ses dix
enseignes d’infanterie.
    – Je le dénoncerai aux bourgeois, dit Ulenspiegel, et j’y vais
de ce pas, leste comme un fantôme.
    Il y alla, et le lendemain les bourgeois étaient en armes.
    Toutefois, Ulenspiegel et Lamme, ayant mis leurs ânes chez un
fermier de Simon Simonsen, durent se cacher de peur du comte de
Meghem qui les faisait partout chercher pour les faire pendre, car
on lui avait dit que deux hérétiques avaient bu de son vin et mangé
de sa viande.
    Il fut jaloux, le dit à sa belle dame qui grinça les dents de
colère, pleura et se pâma dix-sept fois. La coquassière fit de
même, mais non si souvent, et déclara sur sa part de Paradis et
l’éternel salut de son âme qu’elle ni sa dame n’avaient rien fait,
sinon de donner les reliefs du dîner à deux pauvres pèlerins qui,
montés sur des ânes chétifs, s’étaient arrêtés à la fenêtre de la
cuisine.
    Et il fut ce jour-là répandu tant de pleurs que le plancher en
était tout humide. Ce que voyant, messire de Meghem fut assuré
qu’elles ne mentaient point.
    Lamme n’osa plus se montrer chez M. de Meghem, car la
cuisinière l’appelait toujours : Ma femme !
    Et il était bien dolent, songeant à la nourriture ; mais
Ulenspiegel lui apportait toujours quelque bon plat, car il entrait
dans la maison par la rue Sainte-Catherine, et se cachait dans le
grenier.
    Le lendemain, à vêpres, le comte de Meghem confessa à la belle
commère comme quoi il avait résolu de faire entrer à Bois-le-Duc
avant le jour la gendarmerie qu’il commandait. Puis il s’endormit.
La belle commère alla au grenier narrer le fait à Ulenspiegel.

XVIII
     
    Ulenspiegel vêtu en pèlerin partit incontinent sans provisions
ni argent pour Bois-le-Duc, afin de prévenir les bourgeois. Il
comptait prendre en route un cheval chez Jeroen Praet, frère de
Simon, pour lequel il avait des lettres du prince, et de là courir
le grand trotton par les chemins de traverse jusqu’à
Bois-le-Duc.
    Traversant la chaussée, il vit venir une troupe de soudards. Il
eut grand peur à cause des lettres.
    Mais résolu de faire bon visage à malencontre, il attendit de
pied ferme les soudards, et s’arrêta marmonnant ses
patenôtres ; quand ils passèrent il marcha avec eux, et sut
qu’ils allaient à Bois-le-Duc.
    Une enseigne wallonne ouvrait la marche. En tête se trouvaient
le capitaine Lamotte avec sa garde de six hallebardiers, puis,
selon leur rang, l’enseigne avec une garde moindre, le prévôt, ses
hallebardiers et ses deux happe-chair, le chef du guet, le
garde-bagages, le bourreau et son aide, et fifres et tambourins
menant grand tapage.
    Puis venait une enseigne flamande de deux cents hommes, avec son
capitaine, son porte-enseigne, et divisée en deux centuries
commandées par les sergents de bande, principaux soudards, et en
décuries commandées par les
rot-meesters
. Le prévôt et les
stock-knechten
, aides du bâton, étaient

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