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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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restait de castrelins.
    La troupe fut loin, Ulenspiegel prit la clef des champs dans sa
robe de pèlerin, acheta un cheval et, par chemins et par sentiers,
entra à Bois-le-Duc, comme le vent.
    À la nouvelle de l’arrivée de messires de Beauvoir et de
Lamotte, ceux de la ville se mirent en armes au nombre de huit
cents, élurent des capitaines et envoyèrent à Anvers Ulenspiegel
déguisé en charbonnier pour avoir du secours de l’Hercule-Buveur
Brederode.
    Et les soudards de messires de Lamotte et de Beauvoir ne purent
entrer à Bois-le-Duc, cité vigilante, prête à la vaillante
défense.

XIX
     
    Le mois suivant, un certain docteur Agileus donna deux florins à
Ulenspiegel et des lettres avec lesquelles il devait se rendre chez
Simon Praet, qui lui dirait ce qu’il avait à faire.
    Ulenspiegel trouva chez Praet le vivre et le couvert. Son
sommeil était bon, bonne aussi sa trogne fleurie de jeunesse ;
Praet au rebours, chétif et de mine piteuse, semblait toujours
enfermé en de tristes pensées. Et Ulenspiegel s’étonnait
d’entendre, la nuit, si de hasard il s’éveillait, des coups de
marteau.
    Si matin qu’il se levât, Simon Praet était debout avant lui et
plus piteuse était sa mine, plus tristes aussi ses regards,
brillants comme ceux d’un homme se préparant à mort ou
bataille.
    Souvent Praet soupirait, joignant les mains pour prier et
toujours paraissait rempli d’indignation. Ses doigts étaient noirs
et graisseux, comme aussi ses bras et sa chemise.
    Ulenspiegel résolut de savoir d’où provenaient les coups de
marteau, les bras noirs et la mélancolie de Praet. Un soir après
avoir été à la
Blauwe Gans
, la taverne de l’Oie bleue, en
la compagnie de Simon qui y fut malgré lui, il feignit d’être si
soûlé de boissons et d’avoir si fort la crapule en la tête qu’il la
devait incontinent porter sur l’oreiller.
    Et Praet le mena tristement au logis.
    Ulenspiegel dormait au grenier, près des chats, le lit de Simon
était en bas, près de la cave.
    Ulenspiegel continuant sa feintise ivrogniale, monta trébuchant
l’escalier, feignant de manquer de tomber et se tenant à la corde.
Simon l’y aida avec de tendres soins, comme un frère. L’ayant
couché, le plaignant de son ivresse, et priant Dieu de la lui
vouloir pardonner, il descendit et bientôt Ulenspiegel entendit les
mêmes coups de marteau qui l’avaient maintes fois réveillé.
    Se levant sans bruit, il descendit à pieds nus les étroits
degrés, si bien qu’après septante et deux il se trouva devant une
porte basse, d’où filtrait par l’entre-bâillement un filet de
lumière.
    Simon imprimait des feuilles volantes sur d’antiques caractères
du temps de Laurens Coster, grand propagateur du noble art
d’imprimerie.
    – Que fais-tu là ? demanda Ulenspiegel.
    Simon lui répondit effrayé :
    – Si tu es du diable, dénonce-moi, que je meure, mais si tu es
de Dieu, que ta bouche soit la prison de ta langue.
    – Je suis de Dieu, répondit Ulenspiegel, et ne te veux nul mal.
Que fais-tu là ?
    – J’imprime des Bibles, répondit Simon. Car si le jour, afin de
faire vivre ma femme et mes enfants, je publie les cruels et
méchants édits de Sa Majesté, la nuit je sème la vraie parole de
Dieu, et répare ainsi le mal que je fis durant le jour.
    – Tu es brave, dit Ulenspiegel.
    – J’ai la foi, répondit Simon.
    De fait, ce fut de cette sainte imprimerie que sortirent les
Bibles en flamand qui se répandirent dans les pays de Brabant, de
Flandre, Hollande, Zélande, Utrecht, Noord-Brabandt, Over-Yssel,
Gelderland, jusques au jour où Simon fut condamné à avoir la tête
tranchée, finissant ainsi sa vie pour Christ et la justice.

XX
     
    Simon dit un jour à Ulenspiegel :
    – Ecoute, frère, as-tu du courage ?
    – J’en ai, répondit Ulenspiegel, ce qu’il faut pour fouetter un
Espagnol jusqu’à ce que mort s’ensuive, pour tuer un assassin, pour
détruire un meurtrier.
    – Saurais-tu, demanda l’imprimeur, te tenir patiemment en une
cheminée pour écouter ce qui se dit dans une chambre ?
    Ulenspiegel répondit :
    – Ayant, par la grâce de Dieu, reins forts et jarrets souples,
je me pourrais tenir longtemps où je voudrais, comme un chat.
    – As-tu patience et mémoire ? demanda Simon.
    – Les cendres de Claes battent sur ma poitrine, répondit
Ulenspiegel.
    – Ecoute donc, dit l’imprimeur, tu prendras cette carte à jouer
ainsi pliée, et tu iras à Dendermonde frapper,

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