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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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sauver la vie au prince, dit Ulenspiegel.
    – Oui, dit Lamme.
    – Tiens, dit Ulenspiegel, prends mon arquebuse, va-t’en dans le
taillis, entre les rochers ; charge-la de deux balles et tire
quand je croasserai comme le corbeau.
    – Je le veux, dit Lamme.
    Et il disparut dans le taillis. Et Ulenspiegel entendit bientôt
le craquement du rouet de l’arquebuse.
    – Les vois-tu venir ? dit-il.
    – Je les vois répondit Lamme. Ils sont trois, marchant comme
soudards, et l’un d’eux dépasse les autres de la tête.
    Ulenspiegel s’assit sur le chemin les jambes en avant marmonnant
des prières sur un chapelet, comme font les mendiants. Et il avait
son couvre-chef entre les genoux.
    Quand les trois prédicants passèrent, il leur tendit son
couvre-chef ; mais ils n’y mirent rien.
    Ulenspiegel, alors se levant, dit piteusement :
    – Mes bons sires, ne refusez point un patard à un pauvre ouvrier
carrier qui s’est cassé les reins tout dernièrement en tombant dans
une mine. Ils sont durs dans ce pays et ne m’ont rien voulu donner
pour soulager ma triste misère. Las ! donnez-moi un patard, et
je prierai pour vous. Et Dieu tiendra en joie, pendant toute leur
vie, Vos Magnanimités.
    – Mon fils, dit l’un des prédicants, homme robuste, il n’y aura
plus de joie pour nous en ce monde tant qu’y règneront le Pape et
l’Inquisition.
    Ulenspiegel soupira pareillement, disant :
    – Las ! que dites-vous, messeigneurs ? Parlez bas,
s’il plaît à Vos Grâces. Mais donnez-moi un patard.
    – Mon fils, répondit un petit prédicant de trogne guerrière,
nous autres, pauvres martyrs, n’avons de patards que ce qu’il nous
faut pour nous sustenter en route.
    Ulenspiegel se jeta à genoux.
    – Bénissez-moi, dit-il.
    Les trois prédicants étendirent la main sur la tête
d’Ulenspiegel sans dévotion.
    Remarquant qu’ils étaient maigres et avaient toutefois de
puissantes bedaines, il se releva, fit mine de choir et cognant du
front la bedaine du prédicant de haute taille, il y entendit un
joyeux tintinabulement de monnaie.
    Alors, se redressant et tirant son bragmart :
    – Mes beaux pères, dit-il, il fait frais, je suis peu vêtu, vous
l’êtes trop. Donnez-moi de votre laine, afin que je m’y puisse
tailler un manteau. Je suis Gueux. Vive le Gueux !
    Le grand prédicant répondit :
    – Gueux accrêté, tu portes haut la crête ; nous te l’allons
couper.
    – Couper ! dit Ulenspiegel en se reculant ; mais
Vent-d’Acier soufflera pour vous avant de souffler pour le prince.
Gueux je suis, vive le Gueux !
    Les trois prédicants ahuris s’entredirent :
    – D’où sait-il la nouvelle ? Nous sommes trahis. Tue !
Vive la messe !
    Et ils tirèrent de dessous leurs chausses de beaux bragmarts
bien affilés.
    Mais Ulenspiegel, sans les attendre, recula du côté des
broussailles où Lamme se trouvait caché. Jugeant que les prédicants
étaient à portée d’arquebuse, il dit :
    – Corbeaux, noirs corbeaux, Vent-de-Plomb va souffler. Je chante
votre crevaille.
    Et il croassa.
    Un coup d’arquebuse, parti des broussailles, renversa la face
contre terre le plus grand des prédicants, et fut suivi d’un second
coup qui jeta sur le chemin le deuxième.
    Et Ulenspiegel vit entre les broussailles la bonne trogne de
Lamme, et son bras levé rechargeant en hâte son arquebuse.
    Et une fumée bleue montait au-dessus des noires
broussailles.
    Le troisième prédicant, furieux de male rage, voulait à toute
force détrancher Ulenspiegel, lequel disait :
    – Vent-d’Acier ou Vent-de-Plomb, tu vas trépasser de ce monde en
l’autre, infâme artisan de meurtres !
    Et il l’attaqua, et il se défendit bravement.
    Et ils se tenaient tous deux face à face raidement sur le
chemin, portant et parant les coups. Ulenspiegel était tout
saignant, car son adversaire, habile soudard, l’avait blessé à la
tête et à la jambe. Mais il attaquait et se défendait comme un
lion. Le sang qui coulait de sa tête l’aveuglant ; il rompit
toutefois à grandes enjambées, s’essuya de la main gauche et se
sentit faiblir. Il allait être tué si Lamme n’eût tiré sur le
prédicant et ne l’eût fait tomber.
    Et Ulenspiegel le vit et ouït vomir blasphèmes, sang et écume de
mort.
    Et la fumée bleue s’éleva au-dessus des noires broussailles,
parmi lesquelles Lamme montra derechef sa bonne trogne.
    – Est-ce fini ? dit-il.
    – Oui, mon fils, répondit Ulenspiegel. Mais viens.
    Lamme,

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