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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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baisers ; je suis marié, sang de Dieu,
et garde tout pour ma femme.
    – Marié, dirent-elles ; mais ta femme en a de trop :
un homme de ta corpulence. Donne-nous-en un peu. Femme fidèle,
c’est bienfait ; homme fidèle, c’est chapon. Dieu te
garde ! il faut faire un choix, ou nous te fouettons à notre
tour.
    – Je n’en ferai pas, dit Lamme.
    – Choisis, dirent-elles.
    – Non, dit-il.
    – Veux-tu de moi ? dit une belle fille blonde ; vois,
je suis douce, et j’aime qui m’aime.
    – Veux-tu de moi ? dit une mignonne fille, qui avait des
cheveux noirs, des yeux et un teint tout bruns, au demeurant faite
au tour par les anges.
    – Je n’aime point le pain d’épices, dit Lamme.
    – Et moi, ne me prendrais-tu point ? dit une grande fille,
qui avait le front presque tout couvert par les cheveux, de gros
sourcils se joignant, de grands yeux noyés, des lèvres grosses
comme des anguilles et toutes rouges, et rouge aussi de la face, du
cou et des épaules.
    – Je n’aime point, dit Lamme, les briques enflammées.
    – Prends-moi, dit une fillette de seize ans au museau
d’écureuil.
    – Je n’aime point les croque-noisettes, dit Lamme.
    – Il faudra le fouetter, dirent-elles. De quoi ? De beaux
fouets à mèche de cuir séché. Fier cinglement. La peau la plus dure
n’y résiste point. Prenez-en dix. Fouets de charretiers et
d’âniers.
    – À l’aide ! Ulenspiegel, criait Lamme.
    Mais Ulenspiegel ne répondait point.
    – Tu as mauvais cœur, disait Lamme cherchant de tous côtés son
ami.
    Les fouets furent apportés ; deux d’entre les filles se
mirent en devoir d’ôter à Lamme son pourpoint.
    – Hélas ! disait-il ; ma pauvre graisse, que j’eus
tant de peine à former, elles l’enlèveront sans doute avec leurs
cinglants fouets. Mais, femelles sans pitié, ma graisse ne vous
servira de rien, pas même à mettre dans les sauces.
    Elles répondirent :
    – Nous en ferons des chandelles. N’est-ce rien d’y voir clair
sans payer ! Celle qui dorénavant dira que de fouet sort
chandelle paraîtra folle à un chacun. Nous le soutiendrons jusqu’à
la mort, et gagnerons plus d’une gageure. Trempez les verges dans
le vinaigre. Voici que ton pourpoint est enlevé. L’heure sonne à
Saint-Jacques. Neuf heures. Au dernier coup, si tu n’as pas fait
ton choix, nous frapperons.
    Lamme transi disait :
    – Ayez de moi pitié et miséricorde, j’ai juré fidélité à ma
pauvre femme et la garderai, quoiqu’elle m’ait laissé bien
vilainement. Ulenspiegel, à l’aide, mon mignon !
    Mais Ulenspiegel ne se montrait point.
    – Voyez-moi, disait Lamme aux filles-folles, voyez-moi à vos
genoux. Y a-t-il pose plus humble ? N’est-ce assez dire que
j’honore, comme des saints, vos beautés grandes ? Bienheureux
qui, n’étant point marié, peut jouir de vos charmes ! C’est le
paradis sans doute ; mais ne me battez point, s’il vous
plaît.
    Soudain la
baesine
, qui se tenait entre ses deux
chandelles, parla d’une voix forte et menaçante :
    – Commères et fillettes, dit-elle, je vous jure mon grand diable
que si, dans un moment, vous n’avez point, par rire et douceur,
mené cet homme à bien, c’est-à-dire dans votre lit, j’irai quérir
les gardes de nuit et vous ferai toutes fouetter ici à sa place.
Vous ne méritez point le nom de fille d’amoureuse vie, si vous avez
en vain la bouche leste, la main libertine et les yeux flambants
pour agacer les mâles, ainsi que font les femelles des vers
luisants qui n’ont de lanterne qu’à cet usage. Et vous serez
fouettées sans merci pour votre niaiserie.
    À ce propos, les filles tremblèrent et Lamme devint joyeux.
    – Or ça, dit-il commères, quelles nouvelles apportez du pays des
cinglantes lanières ? Je vais moi-même quérir la garde. Elle
fera son devoir, et je l’y aiderai. Ce me sera plaisir grand.
    Mais voici qu’une mignonne fillette de quinze ans se jeta aux
genoux de Lamme :
    – Messire, dit-elle, vous me voyez ici devant vous humblement
résignée ; si vous ne daignez choisir personne d’entre nous,
devrai-je être battue pour vous, monsieur. Et la
baesine
qui est là me mettra dans une vilaine cave, sous l’Escaut, où l’eau
suinte du mur, et où je n’aurai que du pain noir à manger.
    – Sera-t-elle vraiment battue pour moi, madame la
baesine
 ? demanda Lamme.
    – Jusqu’au sang, répondit celle-ci.
    Lamme alors considérant la fillette, dit :
    – Je te vois fraîche,

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