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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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lève-toi.
    Ulenspiegel se levant et allant vers elle :
    – Vas-tu encore me laisser seul ? dit Lamme.
    – Oui, dit Ulenspiegel ; mais va
in de Zwaen
,
manger un gigot ou deux, bois douze hanaps de bière, tu dormiras et
ne t’ennuieras point.
    – Je le ferai, dit Lamme.
    Ulenspiegel s’approcha de la femme.
    – Lève, dit-elle, ma jupe d’un côté, je la lèverai de l’autre,
et courons maintenant.
    – Pourquoi courir ? demanda Ulenspiegel.
    – Parce que, dit-elle, je veux fuir Meulestee : le prévôt
Spelle y est avec deux happe-chair, et il a juré de faire fouetter
toutes les filles-folles qui ne voudront lui payer cinq florins.
Voilà pourquoi je cours ; cours aussi et reste avec moi pour
me défendre.
    – Lamme, cria Ulenspiegel, Spelle est à Meulestee. Va-t’en à
Destelbergh, à l’
Etoile des Mages
.
    Et Lamme, se levant effaré, prit à deux mains sa bedaine et
commença de courir.
    – Où s’en va ce gros lièvre ? dit la fille.
    – En un terrier où je le retrouverai, répondit Ulenspiegel.
    – Courons, dit-elle, frappant du pied la terre comme cavale
impatiente.
    – Je voudrais être vertueux sans courir, dit Ulenspiegel.
    – Que signifie ceci ? demanda-t-elle.
    Ulenspiegel répondit :
    – Le gros lièvre veut que je renonce au bon vin, à la cervoise
et à la peau fraîche des femmes.
    La fille le regarda d’un mauvais œil :
    – Tu as l’haleine courte, il faut te reposer, dit-elle.
    – Me reposer, je ne vois aucun abri, répondit Ulenspiegel.
    – Ta vertu, dit la fille, te servira de couverture.
    – J’aime mieux ta cotte, dit-il
    – Ma cotte, dit la fille, serait indigne de couvrir un saint
comme tu le veux être. Ôte-toi que je coure seule.
    – Ne sais-tu pas, répondit Ulenspiegel, qu’un chien va plus vite
avec quatre pattes qu’un homme avec deux ? Voilà pourquoi,
ayant quatre pattes, nous courrons mieux.
    – Tu as le parler vif pour un homme vertueux.
    – Oui, dit-il.
    – Mais, dit-elle, j’ai toujours vu que la vertu est une qualité
coite, endormie, épaisse et frileuse. C’est un masque à cacher les
visages grognons, un manteau de velours sur un homme de pierre.
J’aime ceux qui ont dans la poitrine un réchaud bien allumé au feu
de virilité, qui excite aux vaillantes et aux gaies
entreprises.
    – C’était ainsi, répondit Ulenspiegel, que la belle diablesse
parlait au glorieux saint Antoine.
    Une auberge était à vingt pas sur la route.
    – Tu as bien parlé, dit Ulenspiegel, maintenant il faut bien
boire.
    – J’ai encore la langue fraîche, dit la fille.
    Ils entrèrent. Sur un bahut sommeillait une grosse cruche nommée
bedaine, à cause de sa large panse.
    Ulenspiegel dit au
baes
 :
    – Vois-tu ce florin ?
    – Je le vois, dit le
baes
.
    – Combien en extrairais-tu de patards pour remplir de
dobbel-clauwaert
la bedaine que voilà ?
    Le
baes
lui dit :
    – Avec
negen mannekens
(neuf hommelets), tu en seras
quitte.
    – C’est, dit Ulenspiegel, six mites de Flandre, et trop de deux
mites. Mais remplis-la cependant.
    Ulenspiegel en versa un gobelet à la femme, puis, se levant
fièrement et appliquant à sa bouche le bec de la bedaine, il se la
vida tout entière dans le gosier. Et ce fut un bruit de
cataracte.
    La fille, ébahie, lui dit :
    – Comment fis-tu pour mettre en ton ventre maigre une si grosse
bedaine ?
    Ulenspiegel, sans répondre, dit au
baes
 :
    – Apporte un jambonneau et du pain, et encore une pleine
bedaine, que nous mangions et buvions.
    Ce qu’ils firent.
    Tandis que la fille grignotait un morceau de couenne, il la prit
si subtilement, qu’elle en fut tout à la fois saisie, charmée et
soumise.
    Puis, l’interrogeant :
    – D’où sont donc venues, dit-elle, à votre vertu, cette soif
d’éponge, cette faim de loup et ces audaces amoureuses ?
    Ulenspiegel répondit :
    – Ayant péché de cent manières, je jurai, comme tu le sais, de
faire pénitence. Cela dura bien une grande heure. Songeant pendant
cette heure à ma vie à venir, je me suis vu nourri de pain
maigrement ; rafraîchi d’eau fadement ; fuyant amour
tristement ; n’osant bouger ni éternuer, de peur de faire
méchamment ; estimé de tous, redouté d’un chacun ; seul
comme lépreux ; triste comme chien orphelin de son maître, et,
après cinquante ans de martyre, finissant par faire sur un grabat
ma crevaille mélancoliquement. La pénitence fut longue assez ;
donc baise-moi, mignonne, et sortons à deux du

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