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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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masque avec un nez, une bouche, des yeux,
des oreilles si ressemblants au portrait du mort, que Boelkin en
fut ébahie.
    Ce après quoi il mit le masque au four, et lorsqu’il fut sec, il
le peignit de la couleur des cadavres, indiquant les yeux hagards,
la face grave et les diverses contractions d’un agonisant. La fille
alors cessant de s’ébahir, regarda le masque, sans pouvoir en ôter
ses yeux, pâlit, blêmit, se couvrit la face, et frissante
dit :
    – C’est lui, mon pauvre Michielkin !
    Il fit aussi deux pieds saignants.
    Puis ayant vaincu sa première frayeur :
    – Celui-là sera béni, dit-elle, qui meurtrira le meurtrier.
    Ulenspiegel, prenant le masque et les pieds, dit :
    – Il me faut un aide.
    Boelkin répondit :
    – Vas
in den Blauwe Gans
, à l’Oie Bleue, près de Joos
Lansaem d’Ypres, qui tient cette taverne. Ce fut le meilleur
camarade et ami de mon frère. Dis-lui que c’est Boelkin qui
t’envoie.
    Ulenspiegel fit ce qu’elle lui recommandait.
    Après avoir besogné pour la mort, le prévôt Spelle allait boire
à
In ‘t Valck
, Au Faucon, une chaude mixture de
dobbel-clauwaert
, à la cannelle et au sucre de Madère. On
n’osait en cette auberge, rien lui refuser, de peur de la
corde.
    Pieter de Roose, ayant repris courage, était rentré à Meulestee.
Il suivait partout Spelle et ses happe-chair pour se faire protéger
par eux. Spelle payait quelquefois à boire. Et ils humaient
ensemble joyeusement l’argent des victimes.
    L’auberge du Faucon n’était plus remplie comme aux beaux jours
où le village vivait en joie, servant Dieu catholiquement, et
n’étant point tourmenté par le fait de la religion. Maintenant il
était comme en deuil, ainsi qu’on le voyait à ses nombreuses
maisons vides ou fermées, à ses rues désertes où erraient quelques
maigres chiens cherchant sur les monceaux leur pourrie
nourriture.
    Il n’y avait plus de place à Meulestee que pour les deux
méchants. Les craintifs habitants du village les voyaient, le jour,
insolents et marquant les maisons des futures victimes, dressant
les listes de mort ; et, le soir, s’en revenant du Faucon en
chantant de sales refrains, tandis que deux happe-chair, ivres
comme eux, les suivaient armés jusqu’aux dents pour leur faire
escorte.
    Ulenspiegel alla
in den Blauwe Gans
, à l’Oie Bleue,
auprès de Joos Lansaem, qui était à son comptoir.
    Ulenspiegel tira de sa poche un petit flacon de brandevin, et
lui dit :
    – Boelkin en a deux tonnes à vendre.
    – Viens dans ma cuisine, dit le
baes
.
    Là, fermant la porte et le regardant fixement.
    – Tu n’es point marchand de brandevin ; que signifient tes
clignements d’yeux ? Qui es-tu ?
    Ulenspiegel répondit :
    – Je suis le fils de Claes brûlé à Damme ; les cendres du
mort battent sur ma poitrine : je veux tuer Spelle, le
meurtrier.
    – C’est Boelkin qui t’envoie ? demanda l’hôte.
    – Boelkin m’envoie, répondit Ulenspiegel. Je tuerai
Spelle ; tu m’y aideras.
    – Je le veux, dit le
baes
. Que faut-il faire ?
    Ulenspiegel répondit :
    – Va chez le curé, bon pasteur, ennemi de Spelle. Réunis tes
amis et trouve-toi avec eux demain, après le couvre-feu, sur la
route d’Everghem, au-delà de la maison de Spelle, entre le
Faucon
et ladite maison. Mettez-vous tous dans l’ombre et
n’ayez point d’habits blancs. Au coup de dix heures, tu verras
Spelle sortant du cabaret et un chariot venant de l’autre côté.
N’avertis point tes amis ce soir ; ils dorment trop près de
l’oreille de leurs femmes. Va les trouver demain. Venez, écoutez
bien tout et souvenez-vous bien.
    – Nous nous souviendrons, dit Joos. Et, levant son
gobelet : Je bois à la corde de Spelle.
    – À la corde, dit Ulenspiegel. Puis il rentra avec le
baes
dans la salle de la taverne où buvaient quelques
gantois qui revenaient du marché du samedi, à Bruges, où ils
avaient vendu cher des pourpoints, des mantelets de toile d’or et
d’argent, achetés pour quelques sous à des nobles ruinés qui
voulaient par leur luxe imiter les Espagnols.
    Et ils menaient noces et festins à cause du grand bénéfice.
    Ulenspiegel et Joos Lansaem, assis en un coin, convinrent en
buvant et sans être entendus, que Joos irait chez le curé de
l’église, bon pasteur, fâché contre Spelle, le meurtrier
d’innocents. Après cela il irait chez ses amis.
    Le lendemain Joos Lansaem et les amis de Michielkin étant
avertis, quittèrent la
Blauwe Gans
,

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