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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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disait :
    – Tu payeras, à petit feu, à tenailles ardentes : tes yeux
à mes ongles !
    Dans l’entre-temps étaient venus tous les pêcheurs, manants et
femmes de Heyst, sur le bruit que le
weer-wolf
était un
homme et non un diable. D’aucuns portaient des lanternes et des
torches flambantes. Et tous criaient :
    – Meurtrier larron, où caches-tu l’or volé aux pauvres
victimes ? Qu’il rende tout.
    – Je n’en ai point ; ayez pitié, disait le poissonnier.
    Et les femmes lui jetaient des pierres et du sable.
    – Il paye ! il paye ! criait Toria.
    – Pitié, gémissait-il, je suis mouillé de mon sang qui coule.
Pitié !
    – Ton sang, disait Toria. Il t’en restera pour payer. Vêtissez
de baume ses plaies. Il payera à petit feu, la main coupée, avec
tenailles ardentes. Il payera, il payera !
    Et elle le voulut frapper ; puis hors de sens, elle tomba
sur le sable comme morte ; et elle y fut laissée jusqu’à ce
qu’elle revînt à elle.
    Dans l’entre-temps, Ulenspiegel, ôtant de l’engin les mains du
prisonnier, vit que trois doigts manquaient à la main droite.
    Et il manda de le lier étroitement et de le placer en un panier
de pêcheur. Hommes, femmes et enfants s’en furent alors portant
tour à tour le panier, cheminant vers Damme pour y quérir justice.
Et ils portaient des torches et des lanternes.
    Et le prisonnier disait sans cesse :
    – Cassez les cloches, tuez les enfants qui crient.
    Et Toria disait :
    – Qu’il paye, à petit feu, à tenailles ardentes, qu’il
paye !
    Puis tous deux se turent. Et Ulenspiegel n’entendit plus rien,
sinon le souffle tressautant de Toria, le lourd pas des hommes sur
le sable et la mer grondant comme tonnerre.
    Et triste en son cœur, il regardait les nuées courant comme
folles dans le ciel, la mer où se voyaient les moutons de feu et, à
la lueur des torches et lanternes, la face blême du poissonnier, le
regardant avec des yeux cruels.
    Et les cendres battirent sur son cœur.
    Et ils marchèrent pendant quatre heures jusqu’à Damme, où était
le populaire en foule assemblé, sachant déjà les nouvelles. Tous
voulaient voir le poissonnier, ils suivirent la troupe des pêcheurs
en criant, chantant, dansant et disant :
    – Le
weer-wolf
est pris, il est pris, le
meurtrier ! Béni soit Ulenspiegel. Longue vie à notre frère
Ulenspiegel !
Lange leven onsen broeder
Ulenspiegel
.
    Et c’était comme une révolte populaire.
    Quand ils passèrent devant la maison du bailli, celui-ci vint au
bruit et dit à Ulenspiegel :
    – Tu es vainqueur ; Noël à toi !
    – Les cendres de Claes battent sur mon cœur, répondit
Ulenspiegel.
    Le bailli alors dit :
    – Tu auras la moitié de l’héritage du meurtrier.
    – Donnez aux victimes, répondit Ulenspiegel.
    Lamme et Nele vinrent ; Nele, riant et pleurant d’aise,
baisait son ami Ulenspiegel ; Lamme, sautant pesamment, lui
frappait sur la bedaine, disant :
    – Celui-ci est brave, féal et fidèle ; c’est mon aimé
compagnon : vous n’en avez point de pareils, vous autres, gens
du plat pays.
    Mais les pêcheurs riaient, se gaussant de lui.

XLIV
     
    La cloche, dite
borgstorm
, sonna le lendemain pour
appeler les bailli, échevins et greffiers à la
vierschare
,
sur les quatre bancs de gazon, sous l’arbre de justice, qui était
beau tilleul. Tout autour se tenait le commun peuple. Etant
interrogé, le poissonnier ne voulut rien avouer, même quand on lui
montra les trois doigts coupés par le soudard, et qui manquaient à
sa main droite. Il disait toujours :
    – Je suis pauvre et vieux, faites miséricorde.
    Mais le commun peuple le huait, disant :
    – Tu es vieux loup, tueur d’enfants ; n’ayez nulle pitié,
messieurs les juges.
    Les femmes disaient :
    – Ne nous regarde point de tes yeux froids, tu es un homme et
non un diable : nous ne te craignons point. Bête cruelle, plus
couard qu’un chat croquant au nid des oiselets, tu tuais les
pauvres filles demandant à vivre leur mignonne vie en toute
braveté.
    – Qu’il paye à petit feu, à tenailles ardentes, criait
Toria.
    Et nonobstant les sergents de la commune, les femmes-mères
excitaient les garçonnets à jeter des pierres au poissonnier. Et
ceux-ci le faisaient volontiers, le huant, chaque fois qu’il les
regardait, et criant sans cesse :
Bloed-zuyger
,
suceur de sang !
Sla dood
, tue, tue !
    Et sans cesse Toria criait :
    – Qu’il paye à petit feu, à tenailles ardentes,

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