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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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voyait pareil à tous les autres, sauf qu’il est percé de
trous où je vissais les dents de fer ; à l’aube je les
ôtais ; les paysans préfèrent mes gaufres à celles des autres
marchands ; et ils les nomment
Waefels met brabansche
knoopen
, gaufres à boutons de Brabant, à cause que, les dents
ôtées, les creux forment de petites demi-sphères pareilles à des
boutons.
    Mais le bailli :
    – Quand mordais-tu les pauvres victimes ?
    – De jour et de nuit. Le jour, je vaquais par les dunes et les
grands chemins, portant mon gaufrier, me tenant à l’affût, et
notamment le samedi, jour du grand marché de Bruges. Si je voyais
passer quelque manant vaquant mélancolique, je le laissais, jugeant
que son mal était flux de bourse ; mais je marchais à côté de
celui que je voyais cheminant joyeusement, quand il ne s’y
attendait point, je le mordais au col et prenais sa gibecière. Et
ce non seulement dans les dunes, mais sur tous les sentiers et
chemins du plat pays.
    Le bailli alors dit :
    – Repens-toi et prie Dieu.
    Mais le poissonnier blasphémant :
    – C’est le Seigneur Dieu qui voulut que je fusse comme je
suis : je fis tout malgré moi, incité par vouloir de Nature.
Tigres méchants, vous me punirez injustement. Mais ne me brûlez… je
fis tout malgré moi ; ayez pitié, je suis pauvre et
vieux : je mourrai de mes blessures ; ne me brûlez
point.
    Il fut amené alors en la
vierschare
, sous le tilleul,
pour y ouïr sa sentence devant tout le populaire assemblé.
    Et il fut condamné, comme horrible meurtrier, larron et
blasphémateur, à avoir la langue percée d’un fer rouge, le poing
droit coupé, et à être brûlé vif à petit feu, jusqu’à ce que mort
s’ensuivît devant les bailles de la Maison commune.
    Et Toria criait :
    – C’est justice, il paye !
    Et le peuple criait :
    –
Lang leven de Heeren van de wet
, longue vie à
messieurs de la loi.
    Il fut ramené en prison, où on lui donna de la viande et du vin.
Et il fut joyeux, disant qu’il n’en avait jamais bu ni mangé
jusque-là, mais que le roi, héritant de ses biens, pouvait lui
payer ce dernier repas.
    Et il riait aigrement.
    Le lendemain, à l’aube blanche, tandis qu’on le menait au
supplice, il vit Ulenspiegel debout près du bûcher, et il cria, le
montrant au doigt :
    – Celui qui est là, meurtrier de vieillard, doit mourir
pareillement ; il me jeta, il y a dix ans, dans le canal de
Damme, parce que j’avais dénoncé son père. Je servis en ceci comme
un sujet fidèle Sa Catholique Majesté.
    Les cloches de Notre-Dame sonnaient pour les morts.
    – Pour toi pareillement sonnent ces cloches, disait-il à
Ulenspiegel, tu seras pendu, car tu as tué.
    – Le poissonnier ment, crièrent tous ceux du populaire ; il
ment, le meurtrier bourreau.
    Et Toria, comme affolée, cria, lui jetant une pierre qui le
blessa au front :
    – S’il t’avait noyé, tu n’aurais pas vécu pour mordre, comme un
vampire suceur de sang, ma pauvre fillette.
    Ulenspiegel ne sonnant mot, Lamme dit :
    – Quelqu’un l’a-t-il vu jeter à l’eau le poissonnier ?
    Ulenspiegel ne répondit point.
    – Non, non, cria le populaire, il a menti, le
bourreau !
    – Non, je n’ai point menti, cria le poissonnier, il m’y jeta,
tandis que je le suppliais de me bailler pardon, à telles
enseignes, que j’en sortis m’aidant d’une chaloupe accrochée à la
berge. Mouillé et frissant, j’eus peine à trouver mon triste logis,
j’y eus les fièvres, nul ne me soigna, et je cuidai mourir.
    – Tu mens, dit Lamme ; nul ne l’a vu.
    – Non ! nul ne l’a vu, cria Toria. Au feu, le bourreau.
Avant de mourir, il lui faut l’innocente victime, au feu, qu’il
paye ! Il a menti. Si tu le fis, n’avoue point, Ulenspiegel.
Il n’y a point de témoins. Qu’il paye à petit feu, à tenailles
ardentes.
    – As-tu commis le meurtre ? demanda le bailli à
Ulenspiegel.
    Ulenspiegel répondit :
    – J’ai jeté à l’eau le dénonciateur meurtrier de Claes. Les
cendres du père battaient sur mon cœur.
    – Il avoue, dit le poissonnier, il mourra pareillement. Où est
la potence, que je la voie ? Où est le bourreau avec le glaive
de justice ? Les cloches des morts sonnent pour toi, vaurien,
meurtrier de vieillard.
    Ulenspiegel dit :
    – Je t’ai jeté à l’eau pour te tuer : les cendres battaient
sur mon cœur.
    Et dans le peuple, les femmes disaient :
    – Pourquoi l’avouer, Ulenspiegel ? Nul ne

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