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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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effilé, s’en fut, disant à ceux de
Damme :
    – Je vais chasser aux mouettes et ferai de leur duvet des
oreillers pour Madame la baillive.
    Allant vers Heyst, il vint sur la plage, ouït la mer houleuse
ferlant et déferlant de grosses vagues grondant comme tonnerre, et
le vent venait d’Angleterre, huïant dans les cordages des bateaux
échoués. Un pêcheur lui dit :
    – Ce nous est ruine que ce mauvais vent. Cette nuit, la mer fut
calme, mais après le lever du soleil elle monta tout soudain fâchée
Nous ne pourrons partir pour la pêche.
    Ulenspiegel fut joyeux, assuré ainsi d’avoir de l’aide la nuit
si besoin était.
    À Heyst, il alla chez le curé, lui donna la lettre du bailli. Le
curé lui dit :
    – Tu es vaillant : sache toutefois que nul ne passe seul le
soir, dans les dunes, le samedi, qu’il ne soit mordu et laissé mort
sur le sable. Les manouvriers diguiers et autres n’y vont que par
troupes. Le soir tombe. Entends-tu le
weer-wolf
hurler en
la vallée ? Viendra-t-il encore, comme cette nuit dernière,
crier au cimetière effroyablement l’entière nuit ? Dieu soit
avec toi, mon fils, mais n’y va point.
    Et 1e curé se signa.
    – Les cendres battent sur mon cœur, répondit Ulenspiegel.
    Le curé dit :
    – Puisque tu as si brave volonté, je veux t’aider.
    – Messire curé, dit Ulenspiegel, vous feriez grand bien à moi et
au pauvre pays désolé en allant chez Toria, la mère de la fillette,
et chez ses deux frères pareillement pour leur dire que le loup est
proche et que je veux l’attendre et le tuer.
    Le curé dit :
    – Si tu ne sais encore sur quel chemin il te faut placer,
tiens-toi dans celui qui mène au cimetière. Il est entre deux haies
de genêts. Deux hommes n’y sauraient marcher de front.
    – Je m’y tiendrai, répondit Ulenspiegel. Et vous, messire
vaillant curé, coadjuteur de délivrance, ordonnez et mandez à la
mère de la fillette, à son mari et à ses frères de se trouver dans
l’église, tout armés, avant le couvre-feu. S’ils m’entendent
siffler comme la mouette, c’est que j’aurai vu le loup-garou. Il
leur faut pour lors sonner
wacharm
à la cloche et me venir
à la rescousse. Et s’il est quelques autres braves
hommes ?…
    – Il n’en est point, mon fils, répondit le curé. Les pêcheurs
craignent plus que la peste et la mort le
weer-wolf
. Mais
n’y va point.
    Ulenspiegel répondit :
    – Les cendres battent sur mon cœur.
    Le curé dit alors :
    – Je ferai comme tu veux, sois béni. As-tu faim ou
soif ?
    – Tous les deux, répondit Ulenspiegel.
    Le curé lui donna de la bière, du pain et du fromage.
    Ulenspiegel but, mangea et s’en fut.
    Cheminant et levant les yeux, il vit son père Claes en gloire, à
côté de Dieu, dans le ciel où brillait la lune claire, et regardait
la mer et les nuages, et il entendit le vent tempétueux soufflant
d’Angleterre.
    – Las ! disait-il, noirs nuages passant rapides, soyez
comme Vengeance aux chausses de Meurtre. Mer grondante, ciel qui te
fais noir comme bouche d’enfer, vagues à l’écume de feu courant sur
l’eau sombre, secouant impatientes, fâchées, d’innombrables animaux
de feu, bœufs, moutons, chevaux, serpents vous roulant sur le dos
ou vous dressant en l’air, vomissant pluie flamboyante, mer toute
noire, ciel noir de deuil, venez avec moi combattre le
weer-wolf
, méchant meurtrier de fillettes. Et toi, vent
qui huïes plaintif dans les ajoncs des dunes et les cordages des
navires, tu es la voix des victimes criant vengeance à Dieu qui me
soit en aide en cette entreprise.
    Et il descendit en la vallée, brimballant sur ses poteaux de
nature comme s’il eût en la tête crapule ivrogniale et sur
l’estomac une indigestion de choux.
    Et il chanta hoquetant, zigzaguant, bâillant, crachant et
s’arrêtant, jouant feintise de vomissements, mais de fait ouvrant
l’œil pour tout bien considérer autour de lui, quand il entendit
soudain un hurlement aigu, s’arrêta vomissant comme un chien et
vit, à la clarté de la lune brillante, la longue forme d’un loup
marchant vers le cimetière.
    Brimballant derechef, il entra dans le sentier tracé entre les
genêts. Là, feignant de choir, il plaça l’engin du côté où venait
le loup, arma son arbalète et s’en fut à dix pas, se tenant debout
en posture ivrogniale, sans cesse feignant les brimballement,
hoquet et purge de gueule, mais de fait bandant son esprit comme un
arc et tenant grands ouverts les

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