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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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Vengeance !
    Errez la nuit dans les champs ; pauvres âmes,
    Criez vers Dieu ! Le bras frémit pour frapper,
    Le glaive est tiré, duc, nous t’arracherons les entrailles
    Et t’en fouetterons le visage.
    Battez le tambour.
    Le glaive est tiré.
    Battez le tambour.
    Vive le Gueux !
    Et tous les mariniers et soudards du navire d’Ulenspiegel et
ceux aussi des navires chantaient pareillement :
    Le glaive est tiré, vive le Gueux !
    Et leurs voix grondaient comme un tonnerre de délivrance.

III
     
    Le monde était en janvier, le mois cruel qui gèle le veau au
ventre de la vache. Il avait neigé et gelé par-dessus. Les
garçonnets prenaient à la glu les moineaux cherchant sur la neige
durcie quelque pauvre nourriture, et apportaient ce gibier en leurs
chaumines. Sur le ciel gris et clair, se détachaient immobiles les
squelettes des arbres dont les branches étaient couvertes de
neigeux coussins, couvrant pareillement les chaumines et le faîte
des murs où se voyaient les empreintes des pattes des chats qui,
eux aussi, chassaient aux moineaux sur la neige. Tout au loin les
prairies étaient cachées par cette merveilleuse toison, tenant
tiède la terre contre l’aigre froid d’hiver. La fumée des maisons
et chaumines montait noire dans le ciel, et on n’entendait nul
bruit.
    Et Katheline et Nele étaient seules en leur logis, et Katheline
hochant la tête, disait :
    – Hans, mon cœur tire à toi. Il te faut rendre les sept cents
carolus à Ulenspiegel, fils de Soetkin. Si tu es besoineux, viens
cependant que je voie ta face brillante. Ôte le feu, la tête brûle.
Las ! où sont tes neigeux baisers ? où est ton corps de
glace ; Hans, mon aimé ?
    Et elle se tenait à la fenêtre. Soudain passa, courant le grand
trotton, un
voet-looper
, courrier portant des grelots à la
ceinture et criant :
    – Voici venir le bailli, le haut-bailli de Damme.
    Et il alla ainsi jusqu’à la Maison commune, afin d’y assembler
les bourgmestres et échevins.
    Alors dans l’épais silence Nele entendit sonner deux clairons.
Tous ceux de Damme vinrent aux portes, croyant que c’était Sa
Royale Majesté qui s’annonçait par de telles fanfares.
    Et Katheline alla aussi à la porte avec Nele. De loin elles
virent de brillants cavaliers chevauchant par troupe, et devant
eux, chevauchant pareillement, un personnage couvert d’un
opperstkleed
de velours noir bordé de martres, ayant le
pourpoint de velours passementé d’or fin et les bottines de veau
fauve fourrées de martres. Et elles reconnurent le haut-bailli.
    Derrière lui chevauchaient jeunes seigneurs qui, nonobstant
l’ordonnance de feue Son Impériale Majesté, portaient à leurs
accoutrements de velours des broderies, passements, bandes,
profilures d’or, d’argent et de soie. Et leurs
opperstkleederen
étaient pareillement à ceux du bailli
bordés de fourrure. Ils chevauchaient gaiement, secouant au vent
les longues plumes d’autruche garnissant leurs toques boutonnées
passementées d’or.
    Et ils semblaient être tous de bons amis et compagnons du grand
bailli, et notamment un seigneur d’aigre trogne vêtu de velours
vert passementé d’or, et dont le manteau était de velours noir
ainsi que la toque ornée de longues plumes. Et il avait le nez en
forme de bec de vautour, la bouche mince, le poil roux, la face
blême, le port fier.
    Tandis que la troupe de ces seigneurs passait devant le logis de
Katheline, celle-ci tout soudain sauta à la bride du cheval du
seigneur blême, et de joie affolée, s’écria :
    – Hans ! mon aimé, je le savais, tu reviens. Tu es beau
ainsi tout en velours et tout en or comme un soleil sur la
neige ! M’apportes-tu les sept cents carolus ?
T’entendrai-je encore crier comme l’orfraie ?
    Le haut-bailli fit arrêter la troupe des gentilshommes, et le
seigneur blême dit :
    – Que me veut cette gueuse ?
    Mais Katheline, tenant toujours le cheval à la bride :
    – Ne t’en revas point, disait-elle, j’ai tant pleuré pour toi.
Douces nuits, mon aimé, baisers de neige et corps de glace.
L’enfant est ici !
    Et elle lui montra Nele qui le regardait fâchée, car il avait
levé son fouet sur Katheline ; mais Katheline
pleurant :
    – Ah ! disait-elle, n’as-tu point souvenance ? Prends
en pitié ta servante. Amène-la où tu veux avec toi. Ôte le feu,
Hans, pitié !
    – Va-t’en ! dit-il.
    Et il poussa son cheval si fort en avant que Katheline, lâchant
la bride, tomba ; et le

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