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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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messire Joos Damman, le faire appréhender au corps jusqu’à
ce qu’il soit jugé suivant les lois et ordonnances de l’empire.
Remettez-moi votre épée, messire Joos.
    – Monseigneur bailli, dit Joos Damman, avec grande hauteur et
fierté nobiliaire, en m’appréhendant au corps vous forfaites à la
loi de Flandre, car vous n’êtes point juge vous-même. Or, vous
savez qu’il n’est permis d’appréhender sans charge de juge que les
faux monnayeurs, les détrousseurs de chemins et voies
publiques ; les boute-feux, les efforceurs de femmes ;
les gendarmes abandonnant leur capitaine ; les enchanteurs
usant de venin pour empoisonner les eaux ; les moines ou
béguines enfuis de religion et les bannis. Or ça, messires et
messeigneurs, défendez-moi !
    Quelques-uns voulant obéir, le bailli leur dit :
    – Messeigneurs et messires, représentant ici notre roi, comte et
seigneur, auquel est réservée la décision des cas difficiles, je
vous mande et ordonne, sous peine d’être déclarés rebelles, de
remettre vos épées au fourreau.
    Les gentilshommes ayant obéi, et messire Joos Damman hésitant
encore, le peuple cria :
    – Justice, Monseigneur, justice, qu’il rende son épée.
    Il le fit alors bien malgré lui, et, descendant de cheval, il
fut conduit par deux sergents à la prison de la commune.
    Toutefois, il n’y fut point enfermé dans les caves, mais bien en
une chambre grillée, où il eut, en payant, bon feu, bon lit et
bonne nourriture dont le geôlier prenait la moitié.

IV
     
    Le lendemain le bailli, les deux greffiers criminels, deux
échevins et un chirurgien-barbier allèrent du côté de Dudzeele pour
voir s’ils trouveraient dans le champ de Servaes Van der Vichte le
corps d’un homme le long de la digue qui traversait le champ.
    Nele avait dit à Katheline : « Hans, ton mignon,
demande la main coupée de Hilbert : ce soir, il criera comme
l’orfraie, entrera dans la chaumine et t’apportera les sept cents
florins carolus. »
    Katheline avait répondu : « Je la couperai. » Et
de fait, elle prit un couteau et s’en fut accompagnée de Nele et
suivie des officiers de justice.
    Elle marchait vite et fièrement avec Nele dont l’air vif faisait
tout rouge le visage mignon.
    Les officiers de justice, vieux et tousseux, la suivaient
transis ; et ils étaient tous pareils à des ombres noires sur
la plaine blanche ; et Nele portait une bêche.
    Quand ils arrivèrent dans le champ de Servaes Van der Vichte et
sur la digue, Katheline, marchant jusqu’au milieu, dit, montrant à
sa droite la prairie :
    – Hans, tu ne savais point que j’étais cachée là, frissante, au
bruit des épées. Et Hilbert cria : « Ce fer est
froid. » Hilbert était laid, Hans est beau. Tu auras sa main,
laisse-moi seule.
    Puis elle descendit à gauche, se mit à genoux dans la neige et
cria trois fois en l’air, pour appeler l’esprit.
    Nele, alors, lui donna la bêche sur laquelle Katheline fit trois
signes de croix, puis elle traça sur la glace la figure d’un
cercueil et trois croix renversées, une du côté de l’Orient, une du
côté de l’Occident et une du côté du Septentrion ; et elle
dit : « Trois, c’est Mars près Saturne, et trois c’est
découverte sous Vénus, la claire étoile. » Elle traça ensuite
autour du cercueil un grand cercle en disant : « Va-t’en,
méchant démon qui gardes le corps ». Puis, tombant à genoux en
prière : « Diable ami, Hilbert, dit-elle, Hans, mon
maître et seigneur, m’ordonne de venir ici te couper la main et de
la lui apporter : je lui dois obéissance : ne fais point
contre moi jaillir le feu de la terre, parce que je trouble ta
noble sépulture, et pardonne-moi de par Dieu et les
saints. »
    Puis elle cassa la glace en suivant la figure du cercueil :
elle vint au gazon humide, puis au sable, et monseigneur le bailli,
ses officiers, Nele et Katheline virent le corps d’un homme jeune,
blanc de chaux à cause du sable. Il était vêtu d’un pourpoint de
drap gris, d’un manteau semblable ; son épée était posée à
côté de lui. Il avait à la ceinture une aumônière de mailles et un
large poignard planté sous le cœur ; et il y avait du sang sur
le drap du pourpoint ; et ce sang avait coulé sous le dos. Et
l’homme était jeune.
    Katheline lui coupa la main et la mit dans son escarcelle. Et le
bailli la laissa faire, puis lui manda de dépouiller le cadavre de
tous ses insignes et vêtements.

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