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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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l’on vous
traite si bien ici, c’est comme les bœufs qu’on va tuer. Ah
pourquoi, dit-elle tout en larmes, ne le sais-je que de tantôt
seulement ?
    – Ne pleure ni ne crie, dit Ulenspiegel, et demeure !
    – Ne me trahis point, dit-elle.
    Ulenspiegel sortit de la maison, courut, s’en fut à toutes les
échoppes et tavernes coulant en l’oreille des marins et soudards
ces mots : « L’Espagnol vient ».
    Tous coururent au vaisseau, préparant en grande hâtivité tout ce
qu’il fallait pour la bataille, et ils attendirent l’ennemi.
Ulenspiegel dit à Lamme :
    – Vois-tu cette mignonne femme debout sur le quai, avec sa robe
noire brodée d’écarlate, et se cachant le visage sous sa capeline
blanche ?
    – Ce m’est tout un, répondit Lamme. J’ai froid, je veux
dormir.
    Et il s’enveloppa la tête de son
opperst-kleed
. Et
ainsi il fut comme un homme sourd.
    Ulenspiegel reconnut alors la femme et lui cria du
vaisseau :
    – Veux-tu nous suivre ? dit-il.
    – Jusqu’à la fosse, dit-elle, mais je ne le puis…
    – Tu ferais bien, dit Ulenspiegel ; songes-y
cependant : quand le rossignol reste en la forêt, il est
heureux et chante ; mais s’il la quitte et risque ses petites
ailes au vent de la grande mer, il les brise et meurt.
    – J’ai chanté au logis, dit-elle, et chanterais dehors si je le
pouvais. Puis, s’approchant du navire : Prends, dit-elle, ce
baume pour toi et ton ami qui dort quand il faut veiller.
    – Lamme ! Lamme ! Dieu te garde du mal, reviens
sauf.
    Et elle se découvrit le visage.
    – Ma femme, ma femme ! cria Lamme.
    Et il voulut sauter sur la glace.
    – Ta femme fidèle ! dit-elle.
    Et elle courut le grand trotton.
    Lamme voulut sauter du pont sur la glace, mais il en fut empêché
par un soudard, lequel le retint par son
opperst-kleed
. Il
cria, pleura, supplia qu’on lui voulût permettre de partir. Mais le
prévôt lui dit :
    – Tu seras pendu si tu laisses le vaisseau.
    Lamme voulut derechef se jeter sur la glace, mais un vieux Gueux
le retint, lui disant :
    – Le plancher est humide tu pourrais te mouiller les pieds.
    Et Lamme tomba sur son séant, pleurant et sans cesse
disant :
    – Ma femme, ma femme ! laissez-moi aller à ma
femme !
    – Tu la reverras, dit Ulenspiegel. Elle t’aime, mais elle aime
Dieu plus que toi.
    – La diablesse enragée, cria Lamme. Si elle aime Dieu plus que
son homme, pourquoi se montre-t-elle à moi mignonne et
désirable ? Et si elle m’aime, pourquoi me
laisse-t-elle ?
    – Vois-tu clair dans les puits profonds ? demanda
Ulenspiegel
    – Las ! disait Lamme, je mourrai bientôt.
    Et il resta sur le pont, blême et affolé.
    Dans l’entre-temps vinrent les gens de Simonen-Bol, avec force
artillerie.
    Ils tirèrent sur le navire, qui leur répondit. Et leurs boulets
cassaient la glace tout autour. Vers le soir une pluie tomba
tiède.
    Le vent soufflant du ponant, la mer se fâcha sous la glace et la
souleva par blocs énormes, lesquels furent vus se dressant,
retombant, s’entre-heurtant, passant les uns sur les autres non
sans danger pour le navire qui, lorsque l’aube creva les nuages
nocturnes, ouvrit ses ailes de lin comme un oiseau de liberté et
vogua vers la mer libre.
    Là ils rejoignirent la flotte de messire Lumey de la Marche,
amiral de Hollande et Zélande, et chef et capitaine général, et
comme tel portant une lanterne au haut de son navire.
    – Regarde-le bien, mon fils, dit Ulenspiegel, celui-ci ne
t’épargnera point, si tu veux de force quitter le navire.
Entends-tu sa voix éclater comme tonnerre ? Vois comme il est
large et fort en sa haute stature ! Regarde ses longues mains
aux ongles crochus ! Vois ses yeux ronds, yeux d’aigle et
froids, et sa longue barbe pointue qu’il laissera croître jusqu’à
ce qu’il ait pendu tous les moines et prêtres pour venger la mort
des deux comtes ! Vois-le redoutable et cruel ; il te
fera pendre haut et court, si tu continues de geindre et crier
toujours : Ma femme !
    – Mon fils, répondit Lamme, tel parle de corde pour le prochain
qui a déjà au col la fraise de chanvre.
    – Toi-même la porteras le premier. Tel est mon vœu amical, dit
Ulenspiegel.
    – Je te verrai à la potence pousser, longue d’une toise hors du
bec, ta langue venimeuse, répondit Lamme.
    Et tous deux pensaient rire.
    Ce jour-là, le vaisseau de Très-Long prit un navire de Biscaye
chargé de mercure, de poudre d’or, de vins et d’épices. Et

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