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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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tout en velours ; patineuses aux cottes et
basquines brodées d’or, de perle, d’écarlate, d’azur :
garçonnets et fillettes allaient, venaient, glissaient, riaient, se
suivant en ligne, ou deux à deux, par couples, chantant la chanson
d’amour sur la glace ou allant manger et boire dans des échoppes
ornées de drapeaux, du brandevin, des oranges, des figues, du
peperkoek
, des
schols
, des œufs, des légumes
chauds et des
eetekoeken
, ce sont des crêpes, et des
légumes au vinaigre, tandis qu’autour d’eux traînelets et traîneaux
à voile faisaient crier la glace sous leur éperon.
    Lamme, cherchant sa femme, vaquait patinant comme les joyeux
bonshommes et commères, mais il tomba souvent.
    Dans l’entre-temps, Ulenspiegel allait s’abreuver et se nourrir
dans une petite auberge sur le quai où il ne lui fallait point
payer cher sa pitance ; et il devisait avec la vieille
baesine
volontiers.
    Un dimanche, vers neuf heures, il y entra demandant qu’on lui
donnât son dîner.
    – Mais, dit-il à une mignonne femme s’avançant pour le servir,
baesine
rafraîchie, que fis-tu de tes rides
anciennes ? Ta bouche a toutes ses dents blanches et
jeunettes, et les lèvres en sont rouges comme cerises. Est-il pour
moi ce doux et malicieux sourire ?
    – Nenni, dit-elle ; mais que te faut-il bailler ?
    – Toi, dit-il.
    La femme répondit :
    – Ce serait trop pour un maigrelet comme toi ; ne veux-tu
point d’autre viande ?
    Ulenspiegel ne sonnant mot :
    – Qu’as-tu fait, dit-elle, de cet homme beau, bien fait et
corpulent que je vis souvent près de toi ?
    – Lamme ? dit-il.
    – Qu’en as-tu fait ? dit-elle.
    Ulenspiegel répondit :
    – Il mange, dans les échoppes, des œufs durs, des anguilles
fumées, des poissons salés, des
zweertjes
et tout ce qu’il
peut se mettre sous la dent ; le tout pour chercher sa femme.
Que n’es-tu la mienne, mignonne ? Veux-tu cinquante
florins ? veux-tu un collier d’or.
    Mais elle se signant :
    – Je ne suis point à acheter ni à prendre, dit-elle.
    – N’aimes-tu rien ? dit-il.
    – Je t’aime comme mon prochain ; mais j’aime avant tout
Monseigneur le Christ et Madame la Vierge, qui me commandent de
mener prude vie. Durs et pesants en sont les devoirs, mais Dieu
nous aide, pauvres femmes. Il en est cependant qui succombent. Ton
gros ami est-il joyeux ?
    Ulenspiegel répondit :
    – Il est gai en mangeant, triste à jeun et toujours songeur.
Mais toi, es-tu joyeuse ou dolente ?
    – Nous autres femmes, dit-elle, sommes esclaves de qui nous
gouverne !
    – La lune ? dit-il.
    – Oui, dit-elle.
    – Je vais dire à Lamme de te venir voir.
    – Ne le fais point, dit-elle ; il pleurerait et moi
pareillement.
    – Vis-tu jamais sa femme ? demanda Ulenspiegel.
    Elle, soupirant, répondit :
    – Elle pécha avec lui et fut condamnée à une cruelle pénitence.
Elle sait qu’il va sur la mer pour le triomphe de l’hérésie, c’est
une chose dure à penser pour un cœur chrétien. Défends-le si on
l’attaque, soigne-le s’il est blessé : sa femme m’ordonna de
te faire cette demande.
    – Lamme est mon frère et ami, répondit Ulenspiegel.
    – Ah ! disait-elle, que ne rentrez-vous au giron de notre
mère Sainte Eglise !
    – Elle mange ses enfants, répondit Ulenspiegel.
    Et il s’en fut.
    Un matin de mars, le vent qui soufflait aigre, ne cessant
d’épaissir la glace et le navire de Très-Long ne pouvant partir,
les marins et soudards du navire menaient noces et ripailles de
traîneaux et de patins.
    Ulenspiegel était à l’auberge, la mignonne femme lui dit toute
dolente et comme affolée :
    – Pauvre Lamme ! Pauvre Ulenspiegel !
    – Pourquoi te plains-tu ? demanda-t-il.
    – Hélas ! hélas ! dit-elle, que ne croyez-vous à la
messe ! Vous iriez en paradis, sans doute, et je pourrais vous
sauver en cette vie.
    La voyant aller à la porte écouter attentive, Ulenspiegel lui
dit :
    – Ce n’est pas la neige que tu écoutes tomber ?
    – Non, dit-elle.
    – Cc n’est pas au vent gémissant que tu prêtes
l’oreille ?
    – Non, dit-elle encore.
    – Ni au bruit joyeux que font dans la taverne voisine nos
vaillants matelots ?
    – La mort vient comme un voleur, dit-elle.
    – La mort ! dit Ulenspiegel, je ne te comprends pas ;
rentre et parle.
    – Ils sont là, dit-elle.
    – Qui ?
    – Qui ? répondit-elle. Les soldats de Simonen-Bol, qui vont
venir, au nom du duc, se ruer sur vous tous ; si

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