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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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n’es-tu
blessé ?
    Ulenspiegel chanta :
    J’ai mis : « Vivre » sur mon chapeau,
    Vivre toujours à la lumière :
    De cuir est ma peau première,
    D’acier ma seconde peau.
    – Las ! disait Lamme traînant la jambe : balles,
grenades, boulets à chaîne pleuvent autour de lui, il n’en sent que
le vent. Tu es esprit sans doute, Ulenspiegel, et toi aussi Nele,
car je vous vois toujours allègres et jeunets.
    – Pourquoi traînes-tu la jambe ? demanda Nele à Lamme.
    – Je ne suis point esprit et ne le serai jamais, dit-il. Aussi
ai-je reçu un coup de hache dans la cuisse – ma femme l’avait si
ronde et si blanche ! – vois, je saigne. Las ! que ne
l’ai-je ici pour me soigner !
    Mais Nele fâchée répondit :
    – Qu’as-tu besoin d’une femme parjure ?
    – N’en dis point de mal, répondit Lamme.
    – Tiens, dit Nele, voici du baume ; je le gardais pour
Ulenspiegel ; mets-le sur la plaie.
    Lamme ayant pansé sa blessure fut joyeux, car le baume en fit
cesser la cuisante douleur ; et ils remontèrent à trois sur le
navire.
    Voyant le moine qui s’y promenait les mains liées :
    – Quel est celui-ci ? dit-elle : je l’ai vu déjà et
crois le reconnaître.
    – Il vaut cent florins de rançon, répondit Lamme.

XXII
     
    Ce jour-là, sur la flotte, il y eut fête. Malgré l’aigre vent de
décembre, malgré la pluie, malgré la neige, tous les Gueux de la
flotte étaient sur les ponts des navires. Les croissants d’argent
brillaient fauves sur les couvre-chefs de Zélande.
    Et Ulenspiegel chanta :
    Leyde est délivré, le duc de sang quitte les Pays-Bas :
    Sonnez, cloches retentissantes ;
    Carillons, lancez dans les airs vos chansons ;
    Tintez, verres et bouteilles.
    Quand le dogue s’en revient des coups,
    La queue entre les jambes,
    D’un œil sanglant
    Il se retourne sur les bâtons.
    Et sa mâchoire déchirée
    Frémit pantelante.
    Il est parti le duc de sang :
    Tintez, verres et bouteilles. Vive le Gueux !
    Il voudrait se mordre lui-même,
    Les bâtons brisèrent ses dents,
    Penchant sa tête maflue,
    Il pense aux jours de meurtre et d’appétit.
    Il est parti le duc de sang :
    Donc battez le tambour de gloire,
    Donc battez le tambour de guerre !
    Vive le Gueux !
    Il crie au diable : « Je te vends
    Mon âme de chien pour une heure de force. »
    « Ce m’est tout un de ton âme,
    Dit le diable, ou d’un hareng »
    Les dents ne se retrouvent point.
    Il fallait fuir les durs morceaux.
    Il est parti le duc de sang ;
    Vive le Gueux !
    Les petits chiens des rues, torses, borgnes, galeux.
    Qui vivent ou crèvent sur les monceaux,
    Lèvent la patte tour à tour
    Sur celui qui tua par amour du meurtre…
    Vive le Gueux !
    « Il n’aima point de femmes ni d’amis,
    Ni gaieté, ni soleil, ni son maître,
    Rien que la Mort, sa fiancée,
    Qui lui casse les pattes,
    Par préludes de fiançailles,
    N’aimant pas les hommes entiers ;
    Battez le tambour de joie,
    Vive le Gueux ! »
    Et les petits chiens de rues, torses,
    Boiteux, galeux et borgnes,
    Lèvent de nouveau la patte
    D´une façon chaude et salée,
    Et avec eux lévriers et molosses,
    Chiens de Hongrie, de Brabant,
    De Namur et de Luxembourg,
    Vive le Gueux !
    Et tristement, l’écume au mufle,
    Il va crever près de son maître,
    Qui lui baille un coup de pied
    Pour n’avoir pas assez mordu.
    En enfer il épouse Mort
    Et elle l’appelle : « Mon duc » ;
    Et il l’appelle : « Mon inquisition ».
    Vive le Gueux !
    Sonnez, cloches retentissantes ;
    Carillon, lance en l’air tes chansons ;
    Tintez, verres et bouteilles :
    Vive le Gueux !

Partie 5

I
     
    Le moine pris par Lamme, s’apercevant que les Gueux ne le
voulaient point mort, mais payant rançon, commença de lever le nez
sur le navire :
    –Voyez, disait-il, marchant et branlant la tête avec fureur
voyez en quel gouffre de sales, noires et vilaines abominations je
suis tombé en mettant le pied dans cette cuvelle de bois. Si je
n’étais céans, moi que le seigneur oignit…
    – Avec de la graisse de chien ? demandaient les Gueux
    – Chiens vous-mêmes, répondait le moine poursuivant son propos,
oui, chiens galeux, errants, breneux, à la maigre échine et qui
avez fui le gras sentier de notre mère sainte Eglise romaine pour
entrer dans les chemins secs de votre loqueteuse Eglise réformée.
Oui ! si je n’étais ici dans votre sabot, dans votre cuvelle,
il y a longtemps que le Seigneur l’aurait engloutie

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