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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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grosses
hanches, le nez gros, la trogne jaune, la bouche gouailleuse ?
C’est un grand prince, aimant les amours extraordinaires ; on
l’appelle, pour qu’il y ait en son nom grâce féminine et force
virile, Monseigneur Monsieur Sa Grande Altesse d’Anjou.
    Ulenspiegel était songeur. Et il chanta :
    Le ciel est bleu, le soleil clair ;
    Couvrez de crêpe les bannières,
    De crêpe les poignées des épées ;
    Cachez les bijoux ;
    Retournez les miroirs ;
    Je chante la chanson de Mort,
    La chanson des traîtres.
    Ils ont mis le pied sur le ventre
    Et sur la gorge des fiers pays
    De Brabant, Flandre, Hainaut,
    Anvers, Artois, Luxembourg.
    L’appât des récompenses les mène.
    Je chante la chanson des traîtres.
    Quand partout l’ennemi pille,
    Que l’Espagnol entre en Anvers,
    Abbés, prélats et chefs d’armée
    S’en vont par les rues de la ville,
    Vêtus de soie, chamarrés d’or,
    La trogne luisante de bon vin,
    Montrant ainsi leur infamie.
    Et par eux, l’Inquisition
    Se réveillera en grand triomphe,
    Et de nouveaux Titelmans
    Arrêteront des sourds-muets
    Pour hérésie.
    Je chante la chanson des traîtres.
    Signataires du Compromis,
    Couards signataires,
    Que vos noms soient maudits !
    Où êtes-vous à l’heure de guerre ?
    Vous marchez comme corbeaux
    À la suite des Espagnols.
    Battez le tambour de deuil.
    Pays de Belgique, l’avenir
    Te condamnera pour t’être,
    Tout en armes, laissé piller.
    Avenir, ne te hâte point ;
    Vois les traîtres besogner :
    Ils sont vingt, ils sont mille,
    Occupant tous les emplois
    Les grands en donnent aux petits.
    Ils se sont entendus
    Pour entraver la résistance
    Par division et paresse,
    Leurs devises de trahison.
    Couvrez de crêpe les miroirs
    Et les poignées des épées.
    C’est la chanson des traîtres.
    Ils déclarent rebelles
    Espagnols et malcontents ;
    Défendent de les aider
    Et de pain et d’abri,
    Et de plomb ou de poudre.
    Si l’on en prend pour les pendre,
    Pour les pendre,
    Ils les relâchent aussitôt.
    Debout ! disent ceux de Bruxelles ;
    Debout ! disent ceux de Gand
    Et le populaire belgique ;
    On vous veut, pauvres hommes,
    Ecraser entre le roi
    Et le Pape qui lance
    La croisade contre Flandre.
    Ils viennent, les mercenaires,
    À l’odeur du sang ;
    Bandes de chiens,
    De serpents et d’hyènes.
    Ils ont faim, ils ont soif.
    Pauvre terre des pères,
    Mûre pour ruine et mort.
    Ce n’est point don Juan
    Qui lui mâche la besogne.
    À Farnèse, mignon du Pape,
    Mais ceux que tu comblas
    D’or et de distinctions,
    Qui confessaient tes femmes,
    Tes filles et tes enfants !
    Ils t’ont jetée par terre
    Et l’Espagnol te met
    Le couteau sur la gorge ;
    Ils se gaussaient de toi,
    En fêtant à Bruxelles
    La venue du prince d’Orange.
    Quand on vit sur le canal
    Tant de boites d’artifice
    Pétaradant leur joie,
    Tant de bateaux triomphants,
    De peintures, de tapisseries,
    On y jouait, pays belgique,
    L’histoire de Joseph
    Vendu par ses frères.

III
     
    Voyant qu’on le laissait dire, le moine levait le nez sur le
vaisseau ; et les matelots et soudards, pour le faire plus
volontiers prêcher, parlaient mal de madame la Vierge, de messieurs
les Saints et des pieuses pratiques de la sainte Eglise
romaine.
    Alors, entrant en rage, il vomissait contre eux mille
injures :
    – Oui ! s’écriait-il, oui, me voilà en la caverne des
Gueux ! Oui, ce sont bien là ces maudits rongeurs de
pays ! Oui. Et on dit que l’inquisiteur, le saint homme, en a
brûlé trop ! Non : il en reste encore de cette sale
vermine. Oui, sur ces bons et braves vaisseaux de Notre Seigneur
Roi, si propres auparavant et si bien lavés, on voit maintenant la
vermine des Gueux, oui, la puante vermine. Oui, c’est de la
vermine, de la sale, puante, infâme vermine que le capitaine
chanteur, le cuisinier à la bedaine pleine d’impiété, et eux tous
avec leurs croissants blasphématoires. Quand le roi fera nettoyer
ses navires avec le lavage d’artillerie, il faudra de la poudre et
des boulets pour plus de cent mille florins afin de dissiper cette
sale vilaine puante infection. Oui, vous êtes tous nés en l’alcôve
de madame Lucifer, condamnée à habiter avec Satanas entre des murs
de vermine, sous des rideaux de vermine, sur des matelas de
vermine. Oui et c’est là qu’en leurs infâmes amours ils mirent au
monde les Gueux. Oui, et je crache sur vous.
    À ces propos, les Gueux lui dirent :
    – Que gardons ici ce fainéant, qui

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