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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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ne sait que vomir des
injures ? pendons-le plutôt.
    Et ils se mirent en devoir de le faire.
    Le moine, voyant la corde prête, l’échelle contre le mât, et
qu’on allait lui lier les mains, dit lamentablement :
    – Ayez pitié de moi, messieurs les Gueux, c’est le démon de
colère qui parle en mon cœur et non votre humble captif, pauvre
moine qui n’a qu’un cou en ce monde : gracieux seigneurs,
faites miséricorde : fermez-moi la bouche, si vous le voulez,
avec une poire d’angoisse, c’est un mauvais fruit, mais ne me
pendez point.
    Eux, sans l’écouter, et malgré sa furieuse résistance, le
traînaient vers l’échelle. Il cria alors si aigrement, que Lamme
dit à Ulenspiegel, qui était près de lui le soignant dans la
cuisine :
    – Mon fils ! mon fils ! ils ont volé un cochon dans
l’étable, et ils l’égorgent. Oh ! les larrons, si je savais me
lever !
    Ulenspiegel monta et ne vit que le moine. Celui-ci, en
l’apercevant, tomba à genoux, les mains vers lui tendues :
    – Messire capitaine, disait-il, capitaine des Gueux vaillants,
redoutable sur terre et sur mer, vos soudards me veulent pendre
parce que j’ai péché par la langue ; c’est une punition
injuste, messire capitaine, car il faudrait alors colleter de
chanvre tous les avocats, procureurs, prédicateurs, et les femmes,
et le monde serait dépeuplé ; messire, sauvez-moi de la
corde : je prierai pour vous, vous ne serez point damné :
baillez-moi mon pardon. Le démon parolier m’emporta et me fit
parler sans cesse ; c’est un bien grand malheur. Ma pauvre
bile s’aigrit alors et me fait dire mille choses que je ne pense
point. Grâce, messire capitaine, et vous tous, messieurs, priez
pour moi.
    Soudain Lamme parut sur le pont en son linge et dit :
    – Capitaine et amis, ce n’était point le porc, mais le moine qui
criait, j’en suis aise. Ulenspiegel, mon fils, j’ai conçu un grand
dessein à l’endroit de Sa Paternité ; donne-lui la vie, mais
ne le laisse point libre, sinon il fera quelque mauvais coup sur le
navire : fais-lui bâtir plutôt sur le pont une cage étroite
bien aérée, où il ne puisse que s’asseoir et dormir, ainsi qu’on
fait pour les chapons : laisse-moi le nourrir, et qu’il soit
pendu s’il ne mange pas autant que je le veux.
    – Qu’il soit pendu s’il ne mange point, dirent Ulenspiegel et
les Gueux.
    – Que comptes-tu faire de moi, gros homme ? dit le
moine.
    – Tu le verras, répondit Lamme.
    Et Ulenspiegel fit ce que Lamme voulait, et le moine fut mis en
cage, et chacun put à l’aise l’y considérer.
    Lamme étant descendu dans la cuisine, Ulenspiegel l’y suivit et
l’entendit se disputer avec Nele :
    – Je ne me coucherai point, disait-il, non, je ne me coucherai
point pour que d’autres viennent fouailler dans mes sauces ;
non, je ne resterai point dans mon lit, comme un veau !
    – Ne te fâche point, Lamme, disait Nele, sinon ta blessure va se
rouvrir, et tu mourras.
    – Eh bien, dit-il, je mourrai : je suis las de vivre sans
ma femme. N’est-ce pas assez pour moi de l’avoir perdue, sans que
tu veuilles encore m’empêcher, moi, le Maître-Queux de céans, de
veiller moi-même au potage ? ne sais-tu pas qu’il y a une
santé infuse dans le fumet des sauces et des fricassées ?
Elles nourrissent même mon esprit et me cuirassent contre
l’infortune.
    – Lamme, dit Nele, il faut écouter nos conseils et te laisser
guérir par nous.
    – Je veux me laisser guérir, dit Lamme ; mais qu’un autre
entre ici, quelque vaurien ignorant, punais, sanieux, chassieux,
morveux, qu’il vienne trôner comme Maître-queux à ma place, et
patrouiller de ses sales doigts dans mes sauces, j’aimerais mieux
le tuer de ma louche de bois, qui serait de fer alors.
    – Toutefois, dit Ulenspiegel, il te faut un aide, tu es
malade.
    – Un aide à moi, dit Lamme, à moi un aide ! N’es-tu donc
bourré que d’ingratitude, comme une saucisse de viande
hachée ? Un aide, mon fils, et c’est toi qui le dis, à moi ton
ami, qui t’ai nourri si longtemps et si grassement !
Maintenant ma blessure va se rouvrir. Mauvais ami, qui donc ici te
préparerait la nourriture comme moi ? Que feriez-vous, tous
deux, si je n’étais là pour te donner à toi, chef-capitaine, et à
toi, Nele, quelque friand ragoût ?
    – Nous besognerions nous-mêmes en cuisine, dit Ulenspiegel.
    – La cuisine, dit Lamme : tu es bon pour en manger, pour la
flairer, pour la

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