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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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andouilles, si
bonnes que vous ne dites mot quand on vous avale ? Vous veniez
tout droit de
Luyleckerland
, le gras pays des heureux
fainéants, lécheurs de sauces éternelles. Mais où êtes-vous,
feuilles sèches des derniers automnes ! – Je veux un gigot aux
fèves. – Moi des panaches de cochons, ce sont leurs oreilles. – Moi
un chapelet d’ortolans les
Pater
seraient des bécasses et
un chapon gras en serait le
Credo
.
    L’hôte répondit coîment :
    – Vous aurez une omelette de soixante œufs, et comme poteaux
indicateurs pour guider vos cuillers, cinquante boudins noirs,
plantés tout fumants sur cette montagne de nourriture, et de la
dobbel-peterman
par dessus : ce sera la rivière.
    L’eau vint à la bouche des pauvres aveugles, et ils
dirent :
    – Sers-nous la montagne, les poteaux et la rivière.
    Et les Frères de la Bonne-Trogne et leurs commères, déjà assis à
table avec Ulenspiegel, disaient que ce jour-là était pour les
aveugles celui des ripailles invisibles, et que les pauvres hommes
perdaient ainsi la moitié de leur plaisir. Quand vint, toute
fleurie de persil et de capucines, l’omelette portée par l’hôte et
quatre coquassiers, les aveugles voulurent se jeter dedans et déjà
y patrouillaient, mais l’hôte leur servit intègrement, non sans
peine, à tous leur part en leur écuelle.
    Les femmes archères furent attendries quand elles les virent
baufrer en soupirant d’aise, car ils avaient grand’faim et
avalaient les boudins comme des huîtres. La
dobbel-peterman
coulait en leurs estomacs comme des
cascades tombant du haut des montagnes.
    Quand ils eurent nettoyé leurs écuelles, ils demandèrent
derechef des
koekebakken
, des ortolans et de nouvelles
fricassées.
    L’hôte ne leur servit qu’un grand plat d’os de bœuf, de veau et
de mouton nageant dans une bonne sauce. Il ne leur fit point leur
part.
    Quand ils eurent bien trempé leur pain et leurs mains jusqu’aux
coudes dans la sauce, et n’en retirèrent que des os de côtelettes,
de veau, de gigot, voire même quelques mâchoires de bœuf, chacun
s’imagina que son voisin avait toute la viande, et ils
s’entre-boutèrent furieusement leurs os sur la physionomie.
    Les Frères de la Bonne-Trogne, ayant ri tout leur soûl, mirent
charitablement une part de leur festin dans le plat des pauvres
hommes, et quiconque d’entre eux y cherchait un os de guerre,
mettait la main sur une grive, sur un poulet, une alouette ou deux,
tandis que les commères, leur tenant la tête penchée en arrière,
leur versaient du vin de Bruxelles à boire à tire-larigot, et quand
ils tâtaient en aveugles pour sentir d’où leur venaient ces
ruisseaux d’ambroisie, ils n’attrapaient qu’une jupe et la
voulaient retenir. Mais elle s’échappait subitement.
    Si bien qu’ils riaient, buvaient, mangeaient, chantaient.
Quelques-uns, flairant les mignonnes commères, couraient par la
salle tout affolés, ensorcelés d’amour, mais de malicieuses
fillettes les égaraient, et, se cachant derrière un Frère de la
Bonne-Trogne, leur disaient : « Baise-moi. » Ce
qu’ils faisaient, mais au lieu de femme, ils baisaient la face
barbue d’un homme et non sans rebuffades.
    Les Frères de la Bonne-Trogne chantèrent, ils chantèrent
pareillement. Et les joyeuses commères souriaient d’aise tendre en
voyant leur joie.
    Quand furent passées ces heures succulentes, le
baes
leur dit :
    – Vous avez bien mangé et bien bu, il me faut sept florins.
Chacun d’eux jura qu’il n’avait point la bourse et accusa son
voisin. De là advint encore entre eux une bataille dans laquelle
ils tâchaient de se cogner du pied, du poing et de la tête, mais
ils ne le pouvaient et frappaient au hasard, car les Frères de la
Bonne-Trogne, voyant le jeu, les écartaient l’un de l’autre. Et les
coups de pleuvoir dans le vide, sauf un qui tomba par malencontre
sur le visage du
baes
qui, fâché, les fouilla tous et ne
trouva sur eux qu’un vieux scapulaire, sept liards, trois boutons
de haut-de-chausse et leurs patenôtres.
    Il voulut les jeter dans le trou aux cochons, et là les laisser
au pain et à l’eau jusqu’à ce qu’on eût payé pour eux ce qu’ils
devaient.
    – Veux-tu, dit Ulenspiegel, que je me porte caution pour
eux ?
    – Oui, répondit le
baes
, si quelqu’un se porte caution
pour toi.
    Les Bonnes-Trognes l’allaient faire, mais Ulenspiegel les en
empêcha, disant :
    – Le doyen sera caution, je le vais

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