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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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à marcher derrière les prêtres, en chemise, nu-tête et
pieds nus, et tenant un cierge à la main au milieu de la première
procession qui sortirait de l’église.
    Ce fut le jour de l’Ascension.
    Quand la procession fut sur le point de rentrer, il dut
s’arrêter sous le porche de Notre-Dame et là s’écrier :
    – Merci à monseigneur Jésus ! Merci à messieurs les
prêtres ! Leurs prières sont douces aux âmes du purgatoire,
voire rafraîchissantes ; car chaque
Ave
est un seau
d’eau qui leur tombe sur le dos, et chaque
Pater
est une
cuvelle.
    Et le peuple l’écoutait en grande dévotion, non sans rire.
    À la fête de la Pentecôte, il dut encore suivre la
procession ; il était en chemise, nu-pieds et tête nue, et
tenait un cierge à la main. À son retour, debout sous le porche et
tenant son cierge respectueusement, non sans faire quelques
grimaces de gaudisserie, il dit à voix haute et claire :
    – Si les prières des chrétiens sont d’un grand soulagement aux
âmes du purgatoire, celles du doyen de Notre-Dame, saint homme
parfait en la pratique de toutes les vertus, calment si bien les
douleurs du feu que celui-ci se transforme en sorbets tout soudain.
Mais les diables bourreaux n’en ont miette.
    Et le peuple d’écouter derechef en grande dévotion, non sans
rire, et le doyen de sourire d’aise écclésiastiquement.
    Puis Ulenspiegel fut banni du pays de Flandre pour trois ans,
sous condition de faire un pèlerinage à Rome et d’en revenir avec
l’absolution du pape.
    Claes dut payer trois florins pour cette sentence ; mais il
en donna encore un à son fils et le fournit de son costume de
pèlerin.
    Ulenspiegel fut navré le jour du départ en embrassant Claes et
Soetkin, qui était toute en larmes, la dolente mère. Ils lui firent
la conduite bien loin sur le chemin, en la compagnie de plusieurs
bourgeois et bourgeoises.
    Claes, en rentrant dans la chaumière, dit à sa femme :
    – Commère, il est bien dur de condamner ainsi, pour quelques
folles paroles, un si jeune garçon à cette dure peine.
    – Tu pleures, mon homme, dit Soetkin ; tu l’aimes plus que
tu ne le montres, car tu éclates en sanglots de mâle, qui sont
pleurs de lion.
    Mais il ne répondit point.
    Nele était allée se cacher dans la grange pour que nul ne vit
qu’elle aussi pleurait Ulenspiegel. Elle suivit de loin Soetkin et
Claes, les bourgeois et bourgeoises ; quand elle vit son ami
s’éloigner seul, elle courut à lui et lui sautant au cou :
    – Tu vas trouver bien des belles dames par là, dit-elle.
    – Belles, je ne sais, répondit Ulenspiegel ; mais fraîches
comme toi, non, car le soleil les a toutes rôties.
    Ils firent longtemps route ensemble. Ulenspiegel était tout
songeur et disait parfois :
    – Je leur ferai payer leurs messes des morts.
    – Quelles messes et qui payera ? demandait Nele.
    Ulenspiegel répondait :
    – Tous les doyens, curés, clercs, bedeaux et autres matagots
supérieurs ou subalternes qui nous paissent de billevesées. Si
j’étais vaillant manouvrier, ils m’eussent volé, en me faisant
pèleriner, le fruit de trois ans de labeur. Mais c’est le pauvre
Claes qui paye. Ils me rendront mes trois ans au centuple, et je
chanterai aussi pour eux la messe des morts de leur monnaie.
    – Las ! Thyl, sois prudent : ils te feraient brûler
tout vif, répondait Nele.
    – Je suis d’amiante, répondait Ulenspiegel. Et ils se
séparèrent, elle toute en larmes, et lui navré et colère.

XXXIII
     
    Passant par Bruges sur le marché du mercredi, il y vit une femme
promenée par le bourreau et ses valets, et une grande foule
d’autres femmes criant et hurlant autour d’elle mille sales
injures.
    Ulenspiegel, lui voyant le haut de la robe garni de morceaux
d’étoffe rouge, et portant au cou la pierre de justice, avec ses
chaînes de fer, vit que c’était une femme qui avait vendu à son
profit les corps jeunes et frais de ses filles. On lui dit qu’elle
se nommait Barbe, était mariée à Jason Darue et allait dans ce
costume être promenée de place en place jusqu’à ce qu’elle revînt
au Grand-Marché, ou elle serait mise sur un échafaud déjà dressé
pour elle. Ulenspiegel la suivit avec la foule du peuple
vociférant. Revenue au Grand-Marché, elle fut placée sur
l’échafaud, liée à un poteau, et le bourreau mit devant elle un
paquet d’herbes et un morceau de terre désignant la fosse.
    On dit aussi à Ulenspiegel qu’elle avait été

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