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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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fouettée auparavant
dans la prison.
    Comme il s’en allait, il rencontra Henri le Marischal,
bélître-brimbeur qui avait été pendu dans la châtellenie de
West-Ypres et montrait encore les marques des cordes autour de son
cou. « Il avait été, disait-il, délivré étant en l’air en
disant seulement une bonne prière à Notre-Dame de Hal, tellement
que, par vrai miracle, les baillis et justiciers étant partis, les
cordes qui ne le serraient plus déjà rompirent, qu’il tomba à terre
et fut ainsi sauf. »
    Mais Ulenspiegel apprit plus tard que ce bélître délivré de la
corde était un faux Henri Marischal, et qu’on le laissait courir
débitant son mensonge parce qu’il était porteur d’un parchemin
signé par le doyen de Notre-Dame de Hal, qui voyait, à cause du
conte de ce Henri le Marischal, affluer par troupes en son église
et le bien payer tous ceux qui, de près ou de loin, flairaient la
potence. Et pendant bien longtemps Notre-Dame de Hal fut surnommée
Notre-Dame des Pendus.

XXXIV
     
    En ce temps-là, les inquisiteurs et théologiens représentèrent
pour la deuxième fois à l’empereur Charles :
    – Que l’Eglise se perdait ; que son autorité était
méprisée ; que s’il avait remporté tant d’illustres victoires,
il le devait aux prières de la catholicité, qui maintenait haute
sur son trône l’impériale puissance.
    Un archevêque d’Espagne lui demanda que l’on coupât six mille
têtes ou que l’on brûlât autant de corps, afin d’extirper aux
Pays-Bas la maligne hérésie luthérienne. Sa Sainte Majesté jugea
que ce n’était point assez.
    Aussi, partout où passait terrifié le pauvre Ulenspiegel, il ne
voyait que des têtes sur des poteaux, des jeunes filles mises dans
des sacs et jetées toutes vives à la rivière ; des hommes
couchés nus sur la roue et frappés à grands coups de barres de fer,
des femmes mises dans une fosse, de la terre sur elles, et le
bourreau dansant sur leur poitrine pour la leur briser. Mais les
confesseurs de ceux et celles qui s’étaient repentis auparavant
gagnaient chaque fois douze sols.
    Il vit à Louvain, les bourreaux brûler trente luthériens à la
fois et allumer le bûcher avec de la poudre à canon. À Limbourg, il
vit une famille, hommes et femmes, filles et gendres, marcher au
supplice en chantant des psaumes. L’homme, qui était vieux, cria
pendant qu’il brûlait.
    Et Ulenspiegel, ayant peur et douleur, cheminait sur la pauvre
terre.

XXXV
     
    Dans les champs, il se secouait comme un oiseau, comme un chien
détaché, et son cœur se réconfortait devant les arbres, les
prairies et le clair soleil. Ayant marché pendant trois jours, il
vint aux environs de Bruxelles, en la puissante commune d’Uccle.
Passant devant l’hôtellerie de la
Trompe
, il fut alléché
par une céleste odeur de fricassées. Il demanda à un petit brimbeur
qui, le nez au vent, se délectait au parfum des sauces, en
l’honneur de qui s’élevait au ciel cet encens de festoiements.
Celui-ci répondit que les frères de la Bonne-Trogne se devaient
assembler après vêpres pour fêter la délivrance de la commune par
les femmes et fillettes du temps jadis.
    Ulenspiegel, voyant de loin une perche surmontée d’un
papegay
et, tout autour, des commères armées d’arcs,
demanda si les femmes devenaient archers maintenant. Le brimbeur,
humant l’odeur des sauces, répondit que du temps du Bon Duc ces
mêmes arcs, étant aux mains des femmes d’Uccle, avaient fait choir
de vie à mort plus de cent brigands.
    Ulenspiegel voulant en savoir davantage, le brimbeur lui dit
qu’il ne parlerait plus tant il avait faim et soif, à moins qu’il
ne lui donnât un patard pour le manger et pour le boire.
Ulenspiegel le fit par pitié.
    Aussitôt que le brimbeur eut le patard, il entra, comme un
renard en un poulailler, en l’hôtellerie de la Trompe et revint en
triomphe tenant une moitié de saucisson et une grosse miche de
pain.
    Soudain Ulenspiegel entendit un doux bruit de tambourins et de
violes, et vit une grande troupe de femmes dansant, et parmi elles,
une belle commère portant au cou une chaîne d’or.
    Le brimbeur, qui riait d’aise d’avoir mangé, dit à Ulenspiegel
que la jeune et belle commère était la reine du tir à l’arc, se
nommait Mietje, femme de messire Renonckel, échevin de la commune.
Puis il demanda à Ulenspiegel six liards pour boire :
Ulenspiegel les lui bailla. Ayant ainsi mangé et bu, le

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