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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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trouver.
    Songeant aux messes des morts, il s’en fut chez le doyen et lui
raconta comme quoi le
baes
de la
Trompe
, étant
possédé du diable, ne parlait que de cochons et d’aveugles, les
cochons mangeant les aveugles et les aveugles mangeant les cochons
sous diverses formes impies de rôts et de fricassées. Pendant ces
accès, le
baes
, disait-il, cassait tout au logis, et il le
priait de venir délivrer le pauvre homme de ce méchant démon.
    Le doyen le lui promit, mais dit qu’il ne pouvait y aller de
suite, car il faisait en ce moment les comptes du chapitre et
tâchait d’y trouver son profit.
    Le voyant impatient, Ulenspiegel lui dit qu’il reviendrait avec
la femme du
baes
et que le doyen lui parlerait
lui-même.
    – Venez tous deux, dit le doyen.
    Ulenspiegel retourna chez le
baes
et lui dit :
    – Je viens de voir le doyen, il se portera caution pour les
aveugles. Pendant que vous veillerez sur eux, que la
baesine
vienne avec moi chez lui, il lui répétera ce que
je viens de vous dire.
    – Vas-y, commère, dit le
baes
. La
baesine
s’en
fut avec Ulenspiegel chez le doyen, qui ne cessait de chiffrer pour
trouver son profit. Quand elle entra chez lui avec Ulenspiegel, il
lui fit impatiemment signe de la main de se retirer, en lui
disant :
    – Tranquillise-toi, je viendrai en aide à ton homme dans un jour
ou deux.
    Et Ulenspiegel, revenant vers la
Trompe
, se disait à
part lui : « Il payera sept florins, et ce sera ma
première messe des morts. »
    Et il s’en fut, et les aveugles pareillement.

XXXVI
     
    Se trouvant, le lendemain, sur une chaussée au milieu d’une
grande foule de gens, Ulenspiegel les suivit, et sut bientôt que
c’était le jour du pèlerinage d’Alsemberg.
    Il vit de pauvres vieilles cheminant pieds nus, a reculons, pour
un florin et pour l’expiation des péchés de quelques grandes dames.
Sur le bord de la chaussée, au son des rebecs, violes et
cornemuses, plus d’un pèlerin menait noces de friture et ripailles
de
bruinbier
. Et la fumée des ragoûts friands montait vers
le ciel comme un suave encens de nourriture.
    Mais il était d’autres pèlerins, vilains, besoigneux et
claquedents, qui, payés par l’église, marchaient à reculons pour
six sols.
    Un petit bonhommet tout chauve, les yeux écarquillés, l’air
farouche, sautillait à reculons derrière eux en récitant ses
patenôtres.
    Ulenspiegel, voulant savoir pourquoi il singeait ainsi les
écrevisses, se plaça devant lui, et souriant, sauta du même pas.Les
rebecs, fifres, violes et cornemuses, les geignements et
marmonnements de pèlerins faisaient la musique de la danse
    – Jan van den Duivel, disait Ulenspiegel, est-ce pour tomber
plus sûrement que tu cours de cette manière ?
    L’homme ne répondit point et continua de marmonner ses
patenôtres.
    – Peut-être, disait Ulenspiegel, veux-tu savoir combien il y a
d’arbres sur la route. Mais n’en comptes-tu pas aussi les
feuilles ?
    L’homme, qui récitait un
Credo
, fit signe à Ulenspiegel
de se taire.
    – Peut-être, disait celui-ci sautillant toujours devant lui et
l’imitant, est-ce par suite de quelque subite folie que tu vas
ainsi au rebours de tout le monde ? Mais qui veut tirer d’un
fou une sage réponse n’est lui-même pas sage. N’est-il pas vrai,
monsieur du poil pelé ?
    L’homme ne répondant point encore, Ulenspiegel continua de
sautiller, mais en menant tant de bruit de ses semelles que le
chemin en résonnait comme une caisse de bois.
    – Peut-être, disait Ulenspiegel, êtes-vous muet,
monsieur ?
    –
Ave Maria
, disait l’homme,
gratiâ plena et
benedictus fructus ventris tui Jesu
.
    – Peut-être aussi êtes-vous sourd ? dit Ulenspiegel. Nous
l’allons voir : on dit que les sourds n’entendent point
louanges ni injures. Voyons donc s’il est de peau ou d’airain le
tympan de tes oreilles : Penses-tu, lanterne sans chandelle,
simulacre de piéton, ressembler à un homme ? Cela adviendra
quand ils seront faits de loques. Où vit-on jamais cette trogne
jaunâtre, cette tête pelée, sinon au champ de potences ?
N’as-tu point été pendu jadis ?
    Et Ulenspiegel dansait, et l’homme, qui entrait en fâcherie,
courait à reculons colériquement et marmonnait ses patenôtres avec
une secrète fureur.
    – Peut-être, disait Ulenspiegel, n’entends-tu pas le haut
flamand, je te vais parler dans le bas : si tu n’es goulu, tu
es ivrogne ; si tu n’es ivrogne, buveur d’eau, tu es

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