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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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logis. Et sans cesse, elle disait
affolée : « Feu sur la tête, l’âme frappe, faites un
trou, elle veut sortir. » Et elle s’enfuyait toujours voyant
des bœufs et des moutons. Et elle se mettait sur le banc sous les
tilleuls derrière sa chaumine, branlant la tête et regardant, sans
les reconnaître, ceux de Damme, qui disaient en passant devant elle
« Voici la folle ».
    Cependant, vaquant par chemins et par sentiers, Ulenspiegel vit
sur la grand’route un âne enharnaché de cuir à clous de cuivre, et
la tête ornée de flocquarts et pendilloches de laine.
    Quelques vieilles femmes se tenaient autour de l’âne disant et
parlant toutes à la fois : « Personne ne peut s’en
emparer, c’est l’horrifique monture du grand sorcier, le baron de
Rais, brûlé vif pour avoir sacrifié huit enfants au diable. –
Commères, il s’est enfui si vite qu’on ne l’a pu rattraper. Satan y
est qui le protège. – Car tandis que, fatigué, il s’était arrêté
sur sa route, les sergents de la commune vinrent pour l’appréhender
au corps, mais il ruait et brayait si terriblement qu’ils n’en
osèrent approcher. – Et ce n’était point braire d’âne mais braire
de démon. – Ainsi on le laissa brouter le chardon sans lui faire
son procès ni le brûler vif comme sorcier. Ces hommes n’ont point
de courage. »
    Nonobstant ces beaux discours, sitôt que l’âne dressait les
(oreilles ou se battait les flancs de sa queue, elles s’enfuyaient
en criant, pour se rapprocher ensuite, caquetant et jacassant, et
faire le même manège au moindre mouvement du baudet.
    Mais Ulenspiegel les considérant et riant :
    – Ah ! dit-il, curiosité sans fin et sempiternel parlement
sortent comme fleuve des bouches des commères et notamment des
vieilles, car chez les jeunes, le flot en est moins fréquent à
cause de leurs amoureuses occupations.
    Considérant alors le baudet :
    – Cet animal sorcier, dit-il, est alerte et ne trotte point des
épaules sans doute, je puis le monter ou le vendre.
    Il s’en fut, sans mot dire, chercher un picotin d’avoine, le fit
manger à l’âne, lui sauta sur le dos prestement et, lui tendant la
bride, se tourna vers le septentrion, l’orient et l’occident et de
loin bénit les vieilles. Celles-ci, pâmées de peur,
s’agenouillèrent, et il fut dit ce jour-là, à la veillée, qu’un
ange coiffé d’un feutre à plume de faisan était venu, les avait
toutes bénies et avait emmené l’âne du sorcier par faveur spéciale
de Dieu.
    Et Ulenspiegel s’en allait califourchonnant son âne au milieu
des grasses prairies où bondissaient en liberté les chevaux, où
pâturaient les vaches et génisses, couchées au soleil, paresseuses.
Et il le nomma Jef.
    L’âne s’était arrêté et bien joyeux dînait de chardons.
Quelquefois cependant il frissonnait de toute la peau, et de la
queue se battait les flancs afin d’écarter les taons voraces qui,
comme lui, voulaient dîner, mais de sa viande.
    Ulenspiegel, dont l’estomac criait la faim, était
mélancolique :
    – Tu serais bien heureux, disait-il, Monsieur du baudet, dînant
comme tu le fais de gras chardons, si nul ne te venait déranger en
ton aise et te rappeler que tu es mortel, c’est-à-dire né pour
endurer toutes sortes de vilenies.
    – Ainsi que toi, poursuivit-il, serrant les jambes, ainsi que
toi, l’homme à la Sainte Pantoufle a son taon, c’est monsieur
Luther ; et Sa Haute Majesté Charles a le sien aussi, c’est
messire François premier du nom, le roi au nez très long et à
l’épée plus longue encore. Il est donc bien permis à moi, pauvre
petit bonhomme errant comme un juif, d’avoir aussi mon taon,
monsieur du baudet. Las ! toutes mes pochettes sont trouées,
et par le trou s’en vont courant la prétantaine, tous mes beaux
ducats, florins et daelders, comme une légion de souris fuyant la
gueule d’un chat. Je ne sais pourquoi l’argent ne veut point de
moi, moi qui voudrais tant de l’argent. Fortune n’est point femme,
quoiqu’on dise, car elle n’aime que les ladres avares qui
l’encoffrent, l’ensacquent, l’enferment à vingt clefs, etSi jamais
ne lui permettent de pousser à la fenêtre seulement un petit bout
de son nez tout doré. Voilà le taon qui me ronge et démange, et me
chatouille sans me faire rire. Tu ne m’écoutes point, monsieur du
baudet, et ne songes qu’à paître. Ah ! pansard emplissant ta
panse, tes longues oreilles sont sourdes au

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